Dynamique, leste et léger
Par Jean-François Picaut
Les Trois Coups
Chacun se souvient peu ou prou de Sganarelle, personnage principal d’un texte de Molière n’ayant guère quitté le programme des collèges. C’est cette pièce, « Le Médecin malgré lui », que Gounod choisit, en 1858, pour écrire son opéra-comique qui porte le même titre. L’Opéra de Rennes en offre une version qui colle de très près à l’original.
L’intrigue est des plus simples et Molière a pu en puiser l’anecdote dans un fabliau, Le Vilain mire (soit, en français moderne, « le paysan médecin »). Sganarelle est un fagotier, beau parleur mais un peu paresseux, volontiers porté sur la bouteille. Il a pris la fâcheuse habitude de donner du bâton à son épouse Martine. Lorsque des serviteurs du seigneur Géronte passent devant chez elle, à la recherche d’un habile médecin pour guérir sa fille, elle entrevoit la possibilité de tirer vengeance de son mari. Le stratagème qu’elle imagine bande le ressort dont va découler toute la pièce.
Le Médecin malgré lui de Molière, créé en 1666, se présente sous les attributs de la farce. C’est néanmoins comme comédie-ballet, sur une musique de Lulli, qu’il paraît sur la scène. Gounod et ses librettistes se souviennent des autres comédies-ballets de l’auteur et y puisent habilement quelques bribes de texte ou de musique pour les parties chantées. Pour cette nouvelle version, le metteur en scène Vincent Tavernier a, en revanche, choisi de renoncer aux emprunts à d’autres pièces de Molière ou à des textes de « soudure » dans les parties parlées. Un choix judicieux car la langue n’a rien perdu, ni de son efficacité dramatique, ni de sa saveur parfois un peu épicée.
Truculence et galanterie
On est un peu inquiet en découvrant un large tableau noir, décor unique occupant la presque totalité du plateau. La scénographe Claire Niquet va pourtant en faire un usage tout à fait plaisant. Elle y fait dessiner en direct, à la craie et par les acteurs eux-mêmes, les décors successifs qui vont du poétique à l’humour. Complètement détaché de tout réalisme, ce tableau, où s’ouvrent à volonté des portes et des fenêtres colorées, permet à l’attention de se concentrer sur le jeu des acteurs-chanteurs. Ce dispositif contribue aussi par sa simplicité au rythme rapide de la pièce, essentiel dans le registre de la farce.
Vincent Tavernier a d’ailleurs demandé à ses acteurs un jeu forcé, qui rappelle parfois le théâtre de boulevard. Surtout sensible dans la pantomime, qui occupe l’ouverture et un autre intermède, cette façon de jouer s’oublie assez rapidement dans le feu de l’action. Le baryton Marc Scoffoni (Sganarelle) et la mezzo-soprano Ahlima Mhamdi (Martine) sont truculents à souhait. Carlos Natale (ténor) est un amoureux transi, galant à l’ancienne mode. Lucinde (Héloïse Guinard, soprano) joue la dinde à la perfection et la basse Jean-Vincent Blosse (Géronte) incarne complètement le barbon de père que l’on a plaisir à berner.
Gounod me paraît avoir privilégié les voix d’hommes, comme dans « l’air des glouglous », au premier acte, et dans l’air galant de Léandre, au deuxième, qui rappelle certaines « bergeries ». Il excelle surtout dans les chœurs. Le trio masculin, à la fin du premier acte, est un vrai régal. Le sextuor mixte, quand Sganarelle consulte Lucinde, est non seulement très beau vocalement, mais c’est aussi un bon moment de comique. Parfaitement construit, le chœur final, mixte lui aussi, vient conclure une œuvre où tout concourt au plaisir du spectateur. ¶
Jean-François Picaut
Le Médecin malgré lui, de Molière et Charles Gounod
Opéra-comique en trois actes, 1858
Livret de : Jules Barbier et Michel Carré
Direction musicale : Gildas Pungier
Mise en scène : Vincent Tavernier
Scénographie : Claire Niquet
Costumes : Erick Plaza-Cochet
Lumières : Carlos Pérez
Chef de chant : Elisa Bellanger
Orchestre Symphonique de Bretagne
Directeur Musical : Grant Llewellyn
Avec : Marc Scoffoni (Sganarelle), Carlos Natale (Léandre), Ahlima Mhamdi (Martine), Héloïse Guinard (Lucinde), Sylvia Kevorkian (Jacqueline), Jean-Vincent Blot (Géronte), Nicolas Rigas (Valère) et Olivier Hernandez (Lucas)
Nouvelle production
Décors construits dans les ateliers de l’Opéra de Rennes
En partenariat avec le Pont Supérieur (Pôle d’enseignement supérieur spectacle vivant Pays-de-Loire Bretagne)
Durée : 2 heures
Photo : © Laurent Guizard
L’Opéra de Rennes • Place de l’Hôtel de Ville • 35000 Rennes
Du 21 au 24 novembre 2017 à 20 heures, le samedi 25 novembre à 18 heures et le dimanche 26 novembre à 16 heures, puis tournée en Bretagne du 6 au 21 décembre 2017
De 11 € à 51 €
Réservations : 02 23 62 28 28