Ne pas baisser les armes
Non sans une pointe d’ironie, cet artiste livre ici un regard intime sur son parcours professionnel. On suit un acrobate sur les rotules, un lanceur de couteaux douteux qui tente de re-jouer les moments les plus marquants de sa carrière. Des scènes vécues, fantasmées ou parfois même plagiées, nous racontent en creux ses espoirs et renoncements.
Édouard Peurichard, qui travaille beaucoup avec les publics dits « empêchés », fait un parallèle entre les contraintes de personnes handicapées et sa situation. Bien avant ses rencontres avec une vieille dame du gérontopôle et un homme aveugle, qui font changer ses pratiques et son esthétique, son inconscience l’avait amené, à ses débuts, lors de son premier numéro de cirque, à se laisser tomber d’une table sans chercher à se rattraper. Comment un acrobate peut-il évoluer sans ses jambes, autrement dit avec peu de moyens ?
Comment mobiliser le public quand ses facultés de communication sont limitées ? Peut-on lutter en baissant les armes, surtout pour quelqu’un dont le métier consiste à lancer des couteaux ? Car il envisage son métier comme « un combat contre le risque, la peur, la fin ». Monter sur scène est un risque de taille, qu’il endosse une armure de 30 kilos ou pas.
Performance riche de sens
Loin d’être « diminué », ce cirque-là devient presque augmenté. L’utilisation de la vidéo, encore balbutiante dans le cirque, ne manque pas d’intérêt et son amplification sonore est bien vue. Touche-à-tout, Édouard Peurichard n’a pas froid aux yeux. Dans cette performance ludique et pleine d’humour, le circassien dévoile en effet son processus créatif sans pudeur et questionne de façon originale son rapport au danger.
À ce titre, son numéro de lancer de couteaux vaut le déplacement, si l’on peut dire. Il feinte sans faire semblant. Bien que conceptuel, le spectacle n’élude pas le risque : pas celui du saut périlleux mais de la chute ; pas celui d’échouer, voire d’ennuyer, mais de capter l’intérêt sans exploits convenus.
Au début, on peut certes chercher le fil rouge. Quel rapport entre Bruce Springsteen, Don Quichotte et une octogénaire ? Puis, on reconstitue le puzzle, comme dans un parcours fragmenté. C’est le premier projet personnel de l’auteur, « à prendre en l’état », c’est-à-dire dans sa fragilité performative. Le spectacle est bavard mais le témoignage de ses années de cirque adapté est touchant. Réflexion sur la confiance et l’altérité, le Repos du guerrier est une ode à la solidarité. D’ailleurs, faire monter une programmatrice sur la scène, afin d’aider l’artiste à la peine, est un joli pied de nez. Une cible humaine qui n’est autre qu’une précieuse partenaire.
Formé à l’Ésacto’Lido, Centre des arts du cirque de Toulouse, Édouard Peurichard a notamment mis en scène la Trouée, road-trip rural (lauréat SACD Beaumarchais et Artcena). Il collabore comme auteur-interprète avec la compagnie MMFF (Mathieu ma fille foundation), dont Nous on a rien vu venir, dans le cadre du dispositif Le cirque portatif, en collaboration avec la Verrerie d’Alès. C’est sûr, on va désormais le suivre de près.
Léna Martinelli
Le Repos du Guerrier, Édouard Peurichard
La Superette production
Collaborateur artistique : Christian Coumin
Création lumières : Manolie Fontanière
Ingéniosité et entraide précieuse : Yoan Richard
Régie lumières et générale : Julie Malka ou Cécile Duriez
Durée : 50 min
Dès 12 ans
Lycée Douanier Rousseau • 7, rue des Archives • 53000 LavalLe 18 septembre 2024
Le 18 septembre 2024
Dans le cadre du Chainon manquant, du 17 au 22 septembre 2024
Tournée ici :
• Du 5 au 5 décembre, UP Circus & Performing Arts, à Bruxelles (Belgique)
• Les 16 et 17 janvier 2025, Théâtre de Cornouaille, à Quimper
• Le 26 janvier, Le Cirque du bout du monde, à Lille
• Les 29 et 30 janvier, Théâtre du Rocher, à La Garde
• Le 3 avril, L’ARC scène nationale, Le Creusot
À découvrir sur Les Trois Coups :
☛ Circus Next 2021, présentation des lauréats, par Léna Martinelli
☛ Circus Next 2019, présentation des lauréats, par Léna Martinelli
☛ Natalie inside out, Nathalie Reckert et Mark Morreau, par Léna Martinelli
Photos : © Pierre Planchenault
