« le Songe d’une nuit d’été », de William Shakespeare, Théâtre national populaire à Villeurbanne

« le Songe d’une nuit d’été » © Michel Cavalca

Tréteaux, oripeaux et sortilèges

Par Trina Mounier
Les Trois Coups

Le T.N.P. aura cette année témoigné de sa double mission, permettre l’accès à des spectacles hors normes comme celui de Pommerat encore à l’affiche avec ses quatre heures et demie de représentation et sa trentaine de comédiens, et parallèlement, donner leur chance à de jeunes metteurs en scène, anciens de la défunte troupe. Juliette Rizoud, à la suite de quelques autres, se lance dans la mise en scène avec une comédie échevelée de Shakespeare, « le Songe d’une nuit d’été » avec beaucoup de talent.

Impossible de raconter l’intrigue de cette pièce qui, non contente de superposer plusieurs récits, place directement l’action, ou plutôt les actions, soit dans une forêt ensorcelée, soit dans les coulisses d’un théâtre. Fi de la réalité, vive l’imaginaire ! Et, bien entendu, vive le théâtre.

Pour en donner malgré tout une petite idée, disons qu’il y est question d’amours contrariées à la fois par un père tyrannique (jusque-là, nous restons dans l’air du temps) et par une succession d’étourderies commises par un elfe malicieux et vif comme un écureuil obéissant à un roi qui prend grand plaisir à jouer des tours cruels : ainsi Hermia qui s’enfuit avec son amoureux Lysandre pour échapper à un mariage forcé avec Démétrius, lequel est follement aimé d’Héléna mais ne l’aime pas (non, non, ce n’est pas du Racine qu’on vous raconte là) va-t‑elle se voir délaisser au profit de sa rivale grâce au suc d’une fleur déposé par erreur sur les yeux de Lysandre, etc.

Parallèlement, le roi des elfes Obéron et la reine des fées Titania se font la guerre à cause d’un enfant que la reine aime trop. Et comme celle-ci se montre finalement par trop contrariante, Obéron utilise de nouveau les services de Puck, l’elfe malicieux, pour que Titania se prenne de folie amoureuse le temps d’une nuit pour un âne.

Troisième intrigue : une petite troupe répète une pièce impossible dont le titre à lui seul annonce le manque total d’intérêt, la Comédie fastidieuse et ennuyeuse du jeune Pyrame et de son amante Thisbé. Dans cette troupe, un comédien qui ne sait pas jouer et un autre qui bafouille, tous deux étant contraints de composer des rôles de femme pour mieux nous embrouiller !

Jubilatoire et déjanté

Force est de constater que si Shakespeare retrouve ici quelques-uns des thèmes de l’époque, il ne fait que les survoler pour mieux en rire et en sourire. Et Juliette Rizoud emboîte le pas du grand auteur dramatique en nous offrant une mise en scène haute en couleur, chatoyante et onirique. Pour lui donner davantage de relief, elle a choisi de déplacer ce Songe d’une nuit d’été de la Grèce antique à une Europe des Balkans mère de Kusturica, très imprégnée encore des saveurs de l’Inde aux accents tziganes. Elle réussit pourtant, ce qui n’est pas une mince affaire, à ne pas nous perdre complètement et même à nous mener avec dextérité dans un rêve éveillé, aidée en cela il est vrai par des acteurs qui connaissent leur métier et incarnent cette histoire en se riant.

Elle joue habilement du plateau de la salle Jean‑Bouise, au centre duquel elle a tracé un grand cercle où se déroulera l’action. À cour et à jardin, des loges où les huit comédiens qui interprètent la grosse quinzaine de rôles vont changer à vue d’apparence. La première scène est révélatrice du parti pris : la belle Hippolyte endormie devant son miroir est brutalement enlevée par deux hommes masqués qui la jettent sans ménagement à l’intérieur du cercle : l’histoire peut commencer…

Ce dispositif est complété par des portants envahis de rubans, foulards et autres qui composent un décor flottant, autorisant les entrées et sorties furtives, les disparitions comme les apparitions, tout un jeu avec le public qui aperçoit ceux qui sont cachés entre les plis des tissus. Parfois, les soies se volatilisent au profit d’une forêt de ballons lumineux. Tout cela est magique et esthétiquement très réussi. Costumes et masques, maquillages de scène, coiffures exubérantes continuent de nous plonger dans un univers joyeux où rien n’a véritablement d’importance hormis le fait de jouer, de se jouer et de fêter la vie, et l’amour.

Un très joli spectacle, vraiment, qui révèle chez Juliette Rizoud une belle maîtrise de la mise en scène et de la direction d’acteurs. 

Trina Mounier


le Songe d’une nuit d’été, de William Shakespeare

Mise en scène : Juliette Rizoud

Avec : Laurence Besson, Amandine Blanquart, Clément Carabédian, Raphaëlle Diou, Julien Gauthier, Damien Gouy, Clément Morinière, Juliette Rizoud

Spectacle réalisé en complicité avec Claire Galopin

Création musicale : Raphaëlle Diou avec la complicité de Cédric Chaumeron

Accessoires et éléments scéniques : Fabrice Cazanas

Costumes : Claire Blanchard

Lumières : Mathilde Foltier‑Gueydan

Maquillages et coiffures : Gautier Magnette

Une création de la compagnie La Bande à Mandrin

Photo : © Michel Cavalca

Production : Théâtre national populaire

T.N.P. • 8, place Lazare-Goujon • 69100 Villeurbanne

04 78 03 30 00

Petite salle Jean-Bouise

www.tnp-villeurbanne.com

Du 5 au 9 janvier 2016 à 20 heures

Durée : 2 heures

De 10 € à 25 €

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