Lyon et Avignon fêtent la jeune création
Par Trina Mounier
Les Trois Coups
Deux événements récents ont donné une belle visibilité à de jeunes compagnies émergentes : le prix Incandescences, dont c’était la première édition, et les Nuits de Fourvière qui a programmé les derniers lauréats du festival Impatience. Certains sont programmés à Avignon, dans le cadre du IN et du OFF.
Le prix Incandescences s’inscrit dans la suite du prix Célest’1 qui, depuis quelques années, propose de venir en aide aux compagnies de la région Rhône-Alpes. Les candidats peuvent concourir dans deux catégories, soit sur des projets déjà formalisés (catégorie Maquettes), soit sur des sujets déjà aboutis (catégorie Spectacles). Ces derniers méritent un éclairage.
Le spectacle lauréat est programmé au Théâtre des Célestins, assuré de bénéficier de son infrastructure technique et de sa logistique de communication. Le changement de nom tient seulement à l’entrée dans le projet du Théâtre National Populaire, aux côtés du Théâtre des Célestins. Cette saison, le lauréat, ou plutôt les lauréats puisqu’ils sont deux ex-aequo, seront effectivement accueillis au TNP. Il s’agit de Froid et Biographies d’ombres, de Lars Norén mis en scène par Claude Leprêtre, et de Mort d’une montagne de Jérôme Cochet et François Hien, dans une mise en scène de Jérôme Cochet. Ces deux spectacles (lire les critiques ici et ici) méritent amplement d’être reconnus ; ils seront programmés au TNP la saison prochaine.
Mais d’autres, non dénués d’attraits, avaient été sélectionnés pour concourir. En particulier Leurs enfants après eux, d’après le roman de Nicolas Mathieu, adapté et mis en scène par Hugo Roux. Certes, le texte de l’auteur, Prix Goncourt 2018, est criant de vérité. Il évoque une jeunesse en plein désarroi, dans une petite ville désindustrialisée. On rêve de s’évader, on étouffe et on y vit pourtant ses premiers émois et on s’engage dans des choix sans en avoir les clés.
L’adaptation est une discipline compliquée, surtout quand il s’agit de synthétiser plus de 400 pages. Le jeune metteur en scène le fait avec art. Il entremêle des scènes de vie et des moments face au public : cela fonctionne sans rupture, avec fluidité. De même, la réalité du temps qui passe et le thème de la vitesse sont évoqués grâce à des astuces scénographiques très pertinentes imaginées par Juliette Desproges. Les comédiens, et notamment Édouard Sulpice, mais aussi Adil Mekki et Laurianne Mitchell, sont remarquables de naturel. Il faut aller voir à Avignon le travail de cette jeune compagnie, salué par Nicolas Mathieu lui-même dans une lettre au public.
Ils sont à Avignon !
Autre événement, l’accueil aux Nuits de Fourvière des lauréats 2019, 2020 et 2021 du prix Impatience organisé par le Cent-quatre Paris. L’occasion de voir ou de revoir Les Femmes de Barbe-Bleue de Lisa Guez, mais aussi The Jewish Hour de Yuval Rozman, Là où je croyais être, il n’y avait personne de la compagnie Shindô. Cette dernière pièce est visible au festival d’Avignon du 22 au 25 juillet, preuve de la lisibilité que donnent ces prix. C’est une pièce complètement inattendue, décalée, pas du tout dans l’air ambiant et résolument séduisante. Elle est drôle et lorgne du côté de Ionesco, mélange absurde et burlesque à l’image de son titre énigmatique.
Un homme et une femme vivent dans un appartement désuet. Un arbre artificiel déplumé, peut-être un porte-manteau, sépare la salle à manger du salon (on songe à Beckett). Les deux personnages parlent du théâtre qu’ils sont en train de pratiquer, se posent la question de comment le faire. Doivent-ils recommencer ce qu’ils ont joué ? Puis, ils dissertent savamment sur l’œuvre de Marguerite Duras (ils y reviendront tout au long du spectacle). Bref, cela n’a ni queue ni tête, mais quel humour entraînant, quelle capacité à surprendre le spectateur, quelle inventivité !
Si vous êtes en Avignon, ne loupez pas ces deux spectacles très différents : ils donnent une idée de la richesse et de la créativité de la jeune création contemporaine. 🔴
Trina Mounier
Leurs enfants après eux, d’après Nicolas Mathieu
Édité chez Actes Sud
Site de la cie Demain dès l’aube
Adaptation et mise en scène : Hugo Roux
Avec : Tristan Cottin, Soufian Khalil, Jeanne Masson, Adil Mekki, Lauriane Mitchell,
Eva Ramos, Edouard Sulpice
Scénographie : Juliette Desproges
Costumes : Alex Costantino
Lumières : Hugo Fleurance
Son : Camille Vitté
Durée : 1 h 50
Dès 15 ans
Théâtre 11 • 11 boulevard Raspail • 84000 Avignon
Du 7 au 29 juillet 2022 (relâche les 12, 19, 26) à 22 h 15
De 14 € à 20 €
Réservations : 04 84 51 20 10
Dans le cadre du festival Off d’Avignon, du 7 au 30 juillet 2022
Plus d’infos ici
Là où je croyais être il n’y avait personne
Conception, texte et jeu : Anaïs Müller et Bertrand Poncet
Dramaturgie : Pier Lamandé
Musique : Antoine Muller, Philippe Vellon
Scénographie : Charles Chauvet
Lumière : Diane Guérin
Vidéo : Romain Pierre
Durée : 1 h 15
Gymnase du Lycée Saint-Joseph
Du 22 au 25 juillet 2022, à 15 heures
Dans le cadre du Festival d’Avignon, du 7 au 26 juillet 2022
Réservations : 04 84 51 20 10 ou en ligne
Plus d’infos ici
Prix Incandescences
Théâtre des Célestins • 4 rue Charles Dullin • 69002 Lyon
TNP • 8, place Lazare-Goujon • 69100 Villeurbanne
Du 28 juin au 2 juillet 2022
Prix Impatience
Ensatt • 4 rue des Sœurs Bouvier • 69005 Lyon
Dans le cadre des Nuits de Fourvière
Les 1 et 2 juillet 2022