« le Ventre de la baleine », Studio‑Théâtre Avignon temps danse à Avignon

le Ventre de la baleine © Spike

Plongée en eaux blessées

Par Claire Néel
Les Trois Coups

La compagnie P.A.T. Prod, associée à Théâtre en scène et dirigée par le metteur en scène Vincent Goethals, apporte à Avignon trois pièces de l’auteur belge Stanislas Cotton. « Le Ventre de la baleine » investit jusqu’au 27 juillet le Studio-Théâtre Avignon temps danse, lieu d’accalmie hors des remparts, à quinze minutes à pied de l’effervescente rue des Teinturiers. Ce qui se vit et se dit dans ce ventre ne repose pas : ça se dépose dans le vôtre, le décompose et explose.

Stanislas Cotton écrit du concret, du vivant, de l’humanité sociale et politique. Il fait parler Aphrodite, « déesse de l’amour ». Elle n’est rien et, en même temps, c’est une femme, une aimante, une amante, épouse et possible mère, une envolée rêvant de papous papas ou pas papas, un ectoplasme enfin, un bleu évident, une solitude béante : une femme battue par son mari et dragon Jonas.

Comme l’existence de tous les miséreux pataugeant au tréfonds de la cour des Miracles, celle d’une femme meurtrie nous concerne avec violence, elle nous dérange et nous encombre. Plusieurs questions : comment ça arrive ? Par quelle injustice la si douce cérémonie d’une préparation de repas assortie de bon vin peut se transformer en crise de peur ? Quelle bizarrerie chez cette femme la pousse à rester et à faire l’amour ? À se faire baiser ? Jusqu’où ne sauve-t-elle pas sa peau ? Qu’entendent ses oreilles à travers les pleurs de remords de son tortionnaire ? Comment arrive-t-elle à croire qu’elle est si laide ? Pourquoi l’aime-t-elle encore ? Qu’est-ce que cet amour ?

C’est dans ce tourbillon, aqueux, que nous plonge la mise en scène de Vincent Goethals. Aphrodite parle depuis sa salle de bains ronde, construite autour d’une cuvette de W.‑C. C’est son abri à elle, un refuge de pisse, de sang, de vomi, de foutre et d’alcool. Un havre de larmes, de gémissements, de râles, de toutes les déchirures. La retraite où peuvent sortir ses mots. Confier les maux, les grandes eaux de la baleine à bosse.

Les guitares électriques du musicien Spike suivent ou provoquent la mémoire de la déesse, deviennent ses rages, ses comptines intérieures, nous immergent dans son ventre, son cœur ou son âme. Elles nous entraînent aussi vers des ailleurs et nous arrachent, parfois, un rire.

Valérie Dablemont incarne la décharnée avec générosité et sensibilité. Sa diction appuyée et sa nervosité constante commencent par… gêner, peut-être ? Ou bien c’est cette souffrance qu’on aimerait ne pas recevoir si fort, si vite ? Imposer un personnage et son état, sans aucun doute et sans fausses notes. Elle nous agrippe à elle, strate après strate, avec son visage d’ange déchu et, sans qu’on le voit venir, nous transpire ce qu’est cette femme. Et nous sommes submergés d’émotions, d’images et d’envie qu’elle vive en vrai, elle qui est capable de dire « je suis morte, en fait personne ne le sait ». Si : nous ! « La vie me garde avec elle, je me glisse sous son aile. » Espérons qu’elle lui soit chaude et moelleuse pour le temps qui reste, celui de l’après-Jonas.

La comédienne dit un mot après le spectacle, elle appelle du bout des doigts ses partenaires, musicien et metteur en scène. On la sent troublée. Elle propose de laisser un mot dans le « cahier des spectateurs » parce que « ça [lui] fait du bien »… On la croit sur parole ! 

Claire Néel


Le Ventre de la baleine, de Stanislas Cotton

P.A.T. Prod • 42, rue Clemenceau • 59211 Santes

06 77 21 00 80

arianebraun@free.fr

Mise en scène : Vincent Goethals

Avec : Valérie Dablemont, Spike Mortelecque

Composition et interprétation musicale : Spike Mortelecque

Photo : © Spike

Diffusion : Fouad Bousba

Studio-Théâtre Avignon temps danse • avenue des Sources, 1 impasse Masséna • 84000 Avignon

Réservations : 04 90 82 08 59

Du 13 au 27 juillet 2008 à 14 heures, relâche le 21 juillet

Durée : 1 h 15

12 € | 9 € | 6 €

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