« De la musique avant toute chose ! »
Par Bénédicte Fantin
Les Trois Coups
La promesse dramatique de la compagnie Les Joues Rouges est énorme : porter au théâtre la fantaisie poétique du roman culte de Boris Vian. Si toutes les images ne passent pas l’épreuve de la scène, la proposition ne manque pas d’allant. D’où les prolongations jusqu’au 16 octobre.
À jardin, l’auteur qu’on devine être Boris Vian (interprété par Aurélien Raynal) s’affaire devant sa machine à écrire pour donner vie à l’histoire qui se joue sous nos yeux. À cour, la pianiste Marie Jouhaud trône devant l’emblématique « pianocktail » qui accompagne les comédiens lors des intermèdes musicaux. D’emblée, le dispositif scénique plonge le spectateur dans une atmosphère d’effervescence créative. Et l’énergie insufflée par le ballet des entrées et sorties de personnages participe de cette dynamique enjouée.
On découvre Colin (Ethan Oliel), grand rêveur dégingandé dans son quotidien de dandy, accompagné de son fidèle cuisinier Nicolas (Stéphane Piller) et de ses amis Chick (Charles Garcia), Alise (Sara Belviso), et Isis (Aurore Streich). Fortuné et désœuvré, Colin est bien décidé à tomber amoureux. Sa rencontre avec Chloé (Lou Tilly) vient enfin parfaire son bonheur… Du moins pour un temps. Le diagnostic du Docteur Mangemanche (Adrien Grassard) est sans appel : un nénuphar pousse dans le poumon droit de Chloé. La maladie obscurcit progressivement le quotidien du couple jusqu’au dénouement fatal.
Un rythme (trop ?)endiablé
La mise en scène de Claudie Russo-Pelosi fait la part belle à la musicalité de l’écriture de Boris Vian. Les dialogues sont rythmés, les comédiens chantent (du Boris Vian évidemment !) et dansent sur des thèmes de jazz entraînants. Il y a quelque chose de grisant et d’inhabituel à voir autant d’acteurs au plateau, qui plus est dans un spectacle de théâtre privé. A noter que les partitions comiques d’Adrien Grassard en Docteur Mangemanche et de Stéphane Piller en Jean-Sol Partre sont particulièrement savoureuses !
Mais à trop vouloir retranscrire l’univers vianesque, la mise en scène foisonnante dilue parfois la narration dans une succession d’effets, et ce, au détriment de la sincérité du jeu. L’énergie se mue parfois en précipitation. On n’en passe pas moins un bon moment de théâtre et on (re)plonge avec plaisir et curiosité dans l’œuvre de Boris Vian. 🔴
Bénédicte Fantin
L’Écume des jours, de Boris Vian
Cie Les Joues rouges
Mise en scène : Claudie Russo-Pelosi
Avec : Aurélien Raynal (en alternance avec Quentin Bossis), Loue Echalier (en alternance avec Marie Jouhaud), Ethan Oliel (en alternance avec Baptiste Hérout), Lou Tilly (en alternance avec Léa Philippe), Charles Garcia, Claudie Russo-Pelosi (en alternance avec Sara Belviso), Stéphane Piller, Emilie Le Néouanic (en alternance avec Aurore Streich), Adrien Grassard
Musique : Boris Vian
Durée : 1 h 15
Photo : © Charles Decoux
Le Lucernaire • 53 rue Notre-Dame-des-Champs • 75006 Paris
Jusqu’au 16 octobre 2022, du mercredi au samedi à 19 heures, le dimanche à 16 heures
De 10 € à 28 €
Réservations : 01 45 44 57 34
À découvrir sur Les Trois Coups :
☛ Boris Vian ! Un Cabaret, d’après Boris Vian, Magic Mirror, par Jean-François Picaut
☛ Fais-moi mal, Boris !, de Carmen Maria Vega, par Jean-François Picaut