Les Fauves, cie Ea Eo, L’Azimut, Antony

Les-Fauves-cie-Ea-Eo-Éric -Longequel-Johan-Swartvagher-Was-Peden © guy-waerenburgh

Sous la bulle, des balles

Par Léna Martinelli
Les Trois Coups

Les Fauves  réunit des jongleurs et jongleuses hors normes. Une célébration pop pas vraiment « mordante », malgré l’originalité du dispositif.

Considéré comme le meilleur jongleur du monde, Wes Peden se forme à l’école de cirque DOCH à Stockholm, notamment auprès de Jay Gilligan, une autre référence en la matière. Profitant de son statut, Éric Longequel et Johan Swartvagher réinterrogent la notion de performance, à l’aune de nos crises, et présentent « les Fauves » comme « un manifeste du jonglage ludique et expérimental ». Autour de lui, des interprètes aux personnalités singulières.

Les-Fauves-cie-Ea-Eo-Éric-Longequel-Johan-Swartvagher-Was-Peden-©-florence-huet
© Florence Huet

Tout d’abord, le dispositif est original. Le spectacle a été conçu pour un chapiteau spécial réalisé par le collectif d’architectes Dynamorphe, un chapiteau gonflable qui fait penser à une station spatiale. Un ovni en la matière, car il tient miraculeusement, sans accroche, ni mât. Sous cette drôle de bulle, les balles (entre autres) volent haut. Pour cette innovation majeure, la cie Ea Eo a imaginé un malicieux clin d’œil à la ménagerie des cirques traditionnels : en déambulation, le public passe d’attraction en attraction. Jonglage psychédélique, jonglage kung-fu, jonglage rythmique : les objets valsent… et le public passe.

Comme la majorité des spectateurs, celle qui retient l’attention est l’aquarium. Là, en apnée, l’exceptionnel Éric Longequel jongle avec bouteilles, ballons, rubans. Ses prouesses aquatiques sont hypnotiques et intéressantes par rapport au propos du spectacle : au secours, on coule ! Et si on ralentissait… Si le spectacle s’achève sur un ironique « Tout va bien », on est bien dans le pire des mondes : « Le temps est compté » ; que reste-t-il « Au bout du compte » ? ; Faut-il « recommencer à zéro ? » (…) « Quand il ne restera plus rien, même pas un souvenir, ni le souvenir d’un souvenir »…

Rituel psychédélique

Chaque interprète fait son numéro en boucle, tandis qu’au centre, sur le dancefloor, Wes Peden, ôte un à un la quarantaine de tee-shirts annonçant les numéros individuels. Le clou du spectacle : une « cérémonie pop sous cathédrale » ! Le compte à rebours traduit « l’ambition de créer des traces utopiques de jonglage, qui survivront aux crises présentes et à venir ». C’est en quelque sorte le dernier jonglage de l’humanité mis sous bulle.

© Florence Huet

À la seconde partie du spectacle, la foule abreuvée de sensations revient au centre pour admirer les fauves lâchés, mais surtout le champion, dont les images d’archives, diffusées sur des moniteurs tout autour sont censées susciter une admiration sans borne. Un narcissisme de façade.

Car tout est à prendre au 36e degré. Rien d’ésotérique, évidemment ! Was Peden ne résiste pas aux tentations : il éblouit son public dans un show fluo des plus tendance, en plus de ne pas lésiner sur les moyens. Pourtant, il s’agit bien de dénoncer le culte de la performance et les fuites en avant ; prôner la créativité débridée, plutôt que célébrer le jonglage dans ses excès (les lancers toujours plus hauts et les enchaînements toujours plus vite, à nous faire tourner la tête).

À fond, elle aussi, la chanteuse chante toujours plus fort pour éclairer le propos, en tant que maîtresse de cérémonie. Musique électro, échappées punk, esthétique pop : quilles en « plastoc », rose à gogo, néons…  « Rivaliser avec David Bowie en termes de couleurs, d’expérimentation et de plaisir jubilatoire » écœure plutôt.

Participatif (un peu), engagé (trop peu), ce spectacle recourt à tous les tics du moment, y compris la vidéo. Tel est le pari de la cie Ea Eo : se mettre en danger pour mieux nous dégoûter des dérives de notre époque. Malgré tout, on attendait quelque chose de plus mordant (ce qui est tout de même dommage pour des fauves), de plus sauvage aussi. Reste une belle image : jongler avec des confettis. Enfin, un peu de poésie… 🔴

Léna Martinelli


Les Fauves, cie Ea Eo

Site de la cie ici
Direction Artistique : Éric Longequel et Johan Swartvagher
Les Fauves : Éric Longequel, Neta Oren, Wes Peden, Johan Swartvagher, Emilia Taurisano
Musique Live : Solène Garnier
Direction Technique : Samuel Bodin et Bernie Bonin
Création Lumière : Jules Guerin
Régie Son : Erwan Sautereau
Design Bulle : Collectif Dynamorphe
Conception Aquarium : Florian Wenger
Durée : 1 h 30
Dès 9 ans

L’Azimut • Chapiteau Antony • Rue Georges Suant • 92160 Antony
Du 30 septembre au 16 octobre 2022, vendredi à 20 h 30, samedi à 18 heures, dimanche à 16 heures
Réservations : 01 41 87 20 84 ou en ligne
Samedi 15 octobre : le chapiteau ouvre ses portes lors d’une visite animée par l’architecte du chapiteau gonflable, Félix Chameroy • Gratuit • Sur réservation au 01 41 87 20 84 ; À l’issue de la représentation, carte blanche au DJ Radio Minus Sound System • Gratuit

Tournée :
• Du 8 au 26 novembre, Le Grand T, à Nantes
• Du 2 au 6 décembre, Le Cirque – Théâtre, à Elbeuf
• Du 14 au 18 décembre, Le Trident, scène nationale, à Cherbourg

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