Rire par intérim
Par Myriam Lemétayer
Les Trois Coups
Jean-Louis Martinelli revisite Feydeau. C’est drôle, mais pas ébouriffant. Original, mais pas transcendant. « Les Fiancés de Loches » est une pièce agréable, semée de jolies trouvailles, et qui a le mérite de respecter sa part du contrat : faire rire.
Attirés par une petite annonce, deux frères et une sœur décident de monter à la capitale pour trouver conjoint à leur goût. Ils débarquent de Loches. Ils sont heureux, motivés, mais font un peu ploucs. Alors qu’ils se rendent à une agence matrimoniale, ils arrivent par erreur dans une agence de placement de gens de maison. Ils croient rencontrer leurs promis. Ce sont en réalité leurs nouveaux employeurs. Débute alors une suite continue de quiproquos. Malgré les incompréhensions, les rebuffades des uns et des autres, les claquements de porte, le malentendu persiste. Ce texte de Georges Feydeau, écrit en 1888, est bien ciselé. Il fait mouche même si quelques jeux de mots tombent à plat.
Plus que les relations affectives, c’est la confrontation sociale qui est à l’honneur. Les uns sont un peu simples, mal fagotés mais sympathiques. Les autres sont arrogants, pas plus clairvoyants, et font preuve d’un mauvais goût clinquant. Les deux univers se rejoignent pourtant très vite dans la folie douce.
Le décor du premier acte est le plus étonnant et le plus ambitieux. La similitude entre une agence de placement de la fin du xixe siècle et nos actuelles agences du Pôle emploi a sauté aux yeux de Jean‑Louis Martinelli, metteur en scène. Il a donc replacé l’histoire dans un décor anachronique. Couleurs acidulées, affiches promouvant l’accomplissement personnel, fontaine à eau : tout est fait pour recréer un vague sentiment de convivialité dans cet antre du recrutement. C’est à ce moment-là que l’impertinence et la bravoure de la mise en scène est la plus tangible. On ne retrouvera pas une telle radicalité, une telle vision d’auteur par la suite.
Concernant le jeu des comédiens, il n’y a pas de véritable fausse note. Ceux-ci poussent de temps en temps la chansonnette, enchaînent quelques comiques pas de danse, se retrouvent dans des situations improbables, et assurent de régulières salves de rire parmi les spectateurs. Soyons cependant cruels. Avouons tout de même que certains acteurs en font un peu trop et d’autres pas assez. J’ai en tout cas eu un faible pour la performance de Mounir Margoum (Alfred).
Pour en revenir aux décors, c’est très bien élaboré. Des éléments servent la pièce avec bonheur, tel le piano transparent. À la fin, celui-ci se remplit d’un liquide bleu et émet des bruits incongrus. L’accompagnement musical a d’ailleurs l’avantage d’être assuré en direct par une pianiste. Quant à la pièce, elle remplit sa fonction de divertissement sans heurts ni esbroufe. Il manque pourtant aux Fiancés de Loches « le petit truc en plus », ce souffle qui aurait permis un enchaînement rythmé, fluide et léger. ¶
Myriam Lemétayer
les Fiancés de Loches, de Georges Feydeau
Mise en scène : Jean-Louis Martinelli
Assistante à la mise en scène : Katia Hernandez
Avec : Christine Citti, Laurent d’Olce, Zakariya Gouram, Maxime Lombard, Mounir Margoum, Anne Rebeschini, Sophie Rodrigues, Hélène Schwartz, Martine Vandeville, Abbès Zahmani
Scénographie : Gilles Taschet
Costumes : Patrick Dutertre
Son : Jean-Damien Ratel
Lumières : Éric Argis
Compositions musicales : Séverine Chavrier
Maquillages et coiffures : Françoise Chaumayrac
Accessoires : Philippe Binard
Photo : © Pascal Victor
Théâtre national de Bretagne • 1, rue Saint-Hélier • 35000 Rennes
Réservations : 02 99 31 12 31
Du 7 au 16 octobre 2009 à 20 heures, relâche les dimanche et lundi
Durée : 1 h 50
23 € | 12 € | 8 €