Précipitation des comédiennes
Par Fabrice Chêne
Les Trois Coups
Adaptée d’un texte italien publié à L’École des loisirs, une pièce sur l’adolescence qui souffre elle-même d’une certaine immaturité.
Dans un pays qui reste indéfini, une menace pèse sur les enfants, que des tueurs sont chargés d’éliminer. Reconnaissons pour commencer l’actualité du thème, qui s’inspire de la triste réalité des faubourgs du Brésil ou d’ailleurs. Mammadera et Favilla sont deux adolescentes poursuivies par « Eux » : des miliciens qu’on ne verra pas et qui « nettoient » les rues. Elles cherchent à récupérer des « souliers rouges » ayant appartenu à la mère de l’une d’elles, véritable trésor pour elles, censés les aider à fuir vers un Sud mythique, synonyme d’espoir et d’un avenir meilleur.
Le spectacle met en scène leur complicité mais aussi leurs conflits, qui prennent source eux-mêmes dans la différence de leurs caractères. On perçoit que Mammedra est la naïve, l’idéaliste, la rêveuse, tandis que Favilla tente de raisonner son amie. Pour faire « jeunes », les deux comédiennes, Séverine Garde‑Massias et Sandrine Guillou, sont vêtues d’un même bermuda en jean et d’un identique tee-shirt à bretelles. Leur jeu est très physique, elles parlent vite et fort. Et c’est précisément là que le bât blesse : ces éclats de voix répétitifs figent leur jeu dans un cliché et ne laissent pas le temps au spectateur de se familiariser avec leurs personnages.
La scénographie se résume à une seule idée, qui n’est pas mauvaise : ce carton de récupération qui sert aux deux jeunes filles d’îlot, de refuge protecteur, et évoque en même temps leur misère. Mais la précipitation des comédiennes fait qu’on a du mal à voir en elles deux fuyardes traquées, comme on a du mal à croire à cette mystérieuse menace qui pèserait sur elles. Les mots s’emballent sans qu’on parvienne vraiment à se sentir concerné par l’histoire. Celle-ci peut plaire à un public adolescent. Le spectateur plus exigeant se rappellera une fois de plus qu’une intention louable ne produit pas forcément du bon théâtre. ¶
Fabrice Chêne
les Souliers rouges, de Tiziana Lucattini
Mise en scène : Jean‑Paul Daniel
Avec : Séverine Garde‑Massias, Sandrine Guillou
Scénographie : Rodolfo Pereira Soares
Création lumière : Jean‑Jacques Rigaux
Régie lumière : Didier Flamen
L’Albatros • 29, rue des Teinturiers • 84000 Avignon
Réservations : 04 90 86 11 33
Du 9 au 31 juillet 2009, jours impairs, à 16 h 30
Durée : 40 minutes
13 € | 9 € | 5 €