« les Trois Sœurs », d’Anton Tchekhov, Vingtième Théâtre à Paris

les Trois Sœurs © D.R.

Trois « demi » sœurs

Par Tatiana Djordjevic
Les Trois Coups

« Les Trois Sœurs » ont quitté la Russie pour s’installer à Paris, au Vingtième Théâtre, le temps de quelques représentations. Écrite en 1901, et comme dans toutes les grandes œuvres d’Anton Tchekhov, la pièce se passe dans la propriété d’une petite ville de Russie, avec de nombreux personnages qui vont et viennent, s’ennuient, philosophent… Bien que la mise en scène de Natasha Mash ait su capter l’esprit « tchékhovien », quelques fautes persistent et donnent à la pièce une nature hétérogène pas toujours juste.

Olga, Macha et Irina se sont installées dans une petite ville de garnison, il y a onze ans de cela, suivant feu leur père, commandant de brigade. Chaque jour, elles rêvent un peu plus de retourner vivre dans leur ville natale, Moscou, et chaque jour elles voient ce rêve s’éloigner un peu plus.

Ce qui m’a sauté aux yeux, c’est ce paradoxe entre ce fort désir de rester fidèle à l’auteur et à ses origines, et ce manque flagrant d’attachement aux détails. Natasha Mash a choisi de ponctuer fréquemment le texte français de répliques originales, cherchant à donner un côté slave à ses acteurs. Même si l’idée part d’une bonne intention, c’est l’effet inverse qui se produit. Une certaine maladresse en ressort, et tout cela manque cruellement de chaleur russe. On ne se sent pas en Russie, on entend plutôt : « essayez de vous imaginer que vous êtes en Russie ». Le théâtre ne doit pas essayer de nous emmener quelque part, mais nous y emmener tout simplement.

Le décor m’a lui aussi empêchée de m’envoler. De petits poufs carrés noirs et blancs, style Ikea, trônent sur la scène et servent de chaises aux acteurs tout au long de la pièce. De cela se dégage plutôt l’image d’un appartement parisien moderne que d’une grande propriété russe du xixe siècle. Il n’y a pas non plus de parti pris de modernité ici puisque les costumes se veulent d’époque, même si parfois ils ne sont pas très appropriés.

D’autres détails sont venus me perturber, comme des cahiers d’école rouges, bleus ou verts de marque « Oxford » qu’Olga feuillette au début de la pièce, et qui tranchent avec la sobriété du reste du décor ; ou bien lorsque le mari de Macha nous donne à voir des chaussettes de la marque « Puma »… Là, je hurle intérieurement. Je considère que lorsque nous voulons porter le texte d’un grand auteur comme Anton Tchekhov, lorsque nous voulons emporter le spectateur dans la vieille Russie du xixe siècle, lorsque tout simplement nous sommes acteurs ou metteurs en scène, je considère alors que nous nous devons de porter une attention minutieuse à ce genre de détails.

Quant à l’interprétation, il n’y a pas lieu d’émettre de grosses critiques. Certains acteurs portent à merveille le texte de Tchekhov, d’autres sont un peu moins investis. Le corps est parfois absent. Il y a quelques bafouillages, parfois des mots sont mangés par les bouches trop pressées des acteurs, et nos douces oreilles en sont écorchées.

Bien que les Trois Sœurs ne soit pas une comédie, le texte est gorgé de touches humoristiques, que les acteurs, emplis cependant de bonnes intentions, transmettent souvent avec peu de virtuosité, cherchant maladroitement à faire rire. Du coup, on passe à côté : silence gênant, effet manqué.

Malgré ces fausses notes, la pièce est loin d’être un désastre, on passe tout de même un bon moment dans l’univers de Tchekhov, même si la sauce ne prend pas toujours. 

Tatiana Djordjevic


les Trois Sœurs, d’Anton Tchekhov

Mise en scène : Natasha Mash

Compositeur : llya Machkevitch

Avec : Delphine Ledoux, Jeremy Martin, Natasha Mash, Marion Monnier, Denise Aron‑Schropfer, Daniel Shropfer…

Vingtième Théâtre • 7, rue des Plâtrières • 75020 Paris

Réservations : 01 43 66 01 13

Les jeudis 13, 20, 27 novembre, 4 et 11 décembre 2008 à 14 h 30

Les mardis 11 novembre et 9 décembre 2008 à 20 h 30

Durée : 2 heures

22 € | 12 € | 10 €

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