« l’Idéal Club », écriture collective sous la direction de Philippe Nicolle, Villeneuve en scène

« l’Idéal Club » © Jean-Alexandre Lahocsinszky

Franche déconnade

Par Léna Martinelli
Les Trois Coups

Les 26 000 couverts présentent « l’Idéal Club » dans le cadre de Villeneuve en scène. Une création burlesque qui a les défauts de ses qualités.

Amateurs d’absurde, les 26 000 couverts ont souhaité proposer un « pur » divertissement, un peu sur le modèle du music-hall : « L’Idéal Club, c’est juste pour se faire du bien. On oublierait de se plaindre et de pleurer le monde. Tout s’écroule ? Rions ! ». Les voilà donc ici, dans leur chaleureux dancing des années 1940, en quête du cabaret idéal, avec un metteur en scène et sa bande qui cherchent, sous nos yeux, les numéros qui composeront leur prochain spectacle. Peu convaincants, les artistes qui jouent leur propre rôle se succèdent donc sous la direction de Philippe Nicolle, lui-même, qui compose un chef de troupe carrément dépassé par les évènements : Raspoutine le ventriloque délateur, mais aussi des cow-boys qui chantent de la flûte à bec, un chef indien tout emplumé… tout cela ne l’amuse pas du tout.

Complètement barrés, ces artistes qui font mine de se prendre au sérieux ! Maniant l’autodérision avec talent, ils ne perdent pas une occasion de se moquer d’eux-mêmes : un trapéziste sans trapèze, un jongleur de rien, un dresseur de chiens morts… les numéros foireux composent les trois quarts du spectacle. Normal pour ces artistes très forts en détournement de situations. Pour permettre au public de laisser reposer ses zygomatiques, les sketches sont rythmés par de très bons intermèdes musicaux. Entre-temps, beaucoup de palabres sur ce qui serait un show parfait, engueulades et surtout commentaires adressés aux spectateurs qui n’auraient pas compris que ces artistes sont là pour « jouer aux cons ».

Too much

Certes, par moments, c’est hilarant : le dresseur de tente Décathlon, la parade amoureuse de cartons, la chanteuse de Fever évincée par un batteur en délire, le concert de bricoleurs, les jongleuses de seins déclenchent des fous rires. C’est potache, mais énergique. Il faut relever la cohésion de la troupe, l’énergie et les multiples talents de chacun. Dommage que certains tableaux s’étirent autant. C’est comme si ces joyeux lurons, en panne de chute – voire d’idées – s’étaient contentés du premier niveau d’improvisation. Du coup, ils en remettent une couche, en ne résistant pas à la tentation de la seconde. Resserré sur 1 h 30, le spectacle aurait cartonné. Au lieu de ça, après l’entracte, ils remettent le couvert, avec des gags réchauffés. Ils se délectent aussi, à plusieurs reprises, en nous piégeant sur le final. Excellent moyen de nourrir les applaudissements jusqu’au dernier tableau, une parodie des comédies musicales actuelles plus kitsch que nature !

« Lourdingue », foutraque, ce « work in progress » patine trop dans la semoule. D’emblée, Philippe Nicolle nous annonçait bien la couleur : « Ce spectacle est con, il dure trop longtemps, il manque un fil rouge, la musique est trop forte… ». Il ne cesse d’égrener un à un tous les défauts du spectacle. Assumés, ces défauts, n’en deviennent pas forcément des qualités, comme par magie ! Bien que le parti pris soit nourri d’une vraie réflexion, on sent, en filigrane, comme une panne d’inspiration à un moment charnière où la compagnie – une des plus inventives du théâtre de rue – craignait peut-être d’être attendue au tournant. En préférant ainsi se faire plaisir avant tout, ne cède-t-elle pas à la facilité ? Reste que, manifestement, ce plaisir est contagieux. En tout cas, le public, ravi, en redemande. Et ça, c’est précieux. 

Léna Martinelli


l’Idéal Club, écriture collective sous la direction de Philippe Nicolle

26 000 couverts • 17, rue du 26e-Dragons • 21000 Dijon

06 737 95 731

Site : www.26000couverts.org

Courriel : blabla@26000couverts.org

Mise en scène : Philippe Nicolle

Avec : Kamel Abdessadok, Christophe Arnulf, Sébastien Bacquias, Servane Deschamps, Pierre Dumur, Aymeric Descharrières, Olivier Dureuil, Florence Nicolle, Philippe Nicolle, Daniel Scalliet

Assistante à la mise en scène : Sarah Douhaire

Son : Anthony Dascola

Lumière : Thomas Parizet

Plateau : Arno Liégeon et Laurence Rossignol

Décor : Michel Mugnier, avec l’aide d’Alexandre Diaz et de Noémie Sauve

Costumes : Laurence Rossignol et Sophie Deck, avec l’aide de Camille Perreau

Photo : © Jean-Alexandre Lahocsinszky

Villeneuve en scène • sous chapiteau • Au verger • 2, place Saint‑Marc • 30400 Villeneuve-lès-Avignon

Réservations : 04 32 75 15 95

Courriel de réservation : reservation@villeneuve-en-scene.com

Du 7 au 23 juillet 2014, à 21 h 30

Durée : 2 h 50 avec entracte

19 € | 16 € | 10 €

À partir de 10 ans

Tournée :

  • Les 11 et 12 octobre 2014 : Théâtre Paul-Éluard, Choisy-le-Roi (94)
  • Les 14 et 15 novembre 2014 : centre culturel La Passerelle, Florange (57)
  • Les 28 et 29 novembre 2014 : Théâtre Romain-Rolland, Villejuif (94)
  • Les 16 et 17 janvier 2015 : salle Jacques-Brel, Pantin (93)
  • Les 22 et 23 janvier 2015 : C.D.N. de l’Union, Limoges (87)
  • Les 26 et 27 janvier 2015 : L’Art en scène, une programmation du Moulin du roc, scène nationale de Niort, Aiffres (79)

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