Une histoire de fesses
Par Bénédicte Fantin
Les Trois Coups
La pièce « Ma folle otarie » est née du désir de Pierre Notte d’écrire pour le comédien Brice Hillairet. Habitué à collaborer avec le prolifique auteur, le jeune homme se fait le passeur idéal de ce conte philosophique haletant.
L’odyssée d’un homme sans aspérités qui voit ses fesses prendre des proportions monstrueuses : voilà Ma folle otarie. Étymologiquement, monstrueux vient de « montrer ». Et quoi de pire, en effet, que d’être montré du doigt, de devenir l’objet de toutes les moqueries, lorsque sa seule aspiration est de traverser la vie sur la pointe des pieds ? La soudaine difformité du personnage le pousse à fuir le monde, l’entraînant dans une course folle. Elle le mène à la rencontre de cette fameuse otarie, acolyte bienveillante qui lui redonne espoir.
Sans aucun accessoire, éclairé par une douche de lumière, le comédien n’a que son terne costume et la force de son jeu pour nous immerger dans un monde où l’ordinaire laisse place aux péripéties les plus délirantes. Par cette économie de jeu, le metteur en scène entend stimuler l’imaginaire et les capacités d’interprétation du spectateur. Une intention résumée ironiquement par la formule suivante : « Le théâtre est un espace où le spectateur a payé sa place pour travailler ».
Au centre d’un carré blanc d’un mètre sur un mètre, le comédien fait preuve d’une débauche d’énergie, trouvant une grande liberté dans les contraintes de mise en scène. La pièce a été créée pour être jouée en appartement, destinée à un espace et un auditoire restreints, si bien que le public recueille le texte de Pierre Notte avec un sentiment de privilège.
Une performance d’acteur
L’écriture est dense, le rythme intense. On retrouve l’urgence chère au metteur en scène. Le jeu ne saurait souffrir de demi-mesure. Le comédien doit mouiller sa chemise et Brice Hillairet remplit cette mission au sens propre, comme au figuré. Quelques respirations sont toutefois ménagées. La touchante interprétation de deux chansons ralentit la folle cadence du récit, tout en soulignant la musicalité du texte.
Le texte original a subi des coupes avant d’être transposé sur scène. Un remaniement plus drastique aurait pu éviter dix petites minutes de trop et condenser la narration en une heure. Toutefois, l’interprétation de Brice Hillairet est d’une telle qualité que l’attention du spectateur est maintenue. Le travail sur le phrasé, le débit de parole ou encore la posture du personnage donnent vie à ce Monsieur Tout-le-Monde timide et voûté. Et quand le derrière prend le dessus, l’engagement physique du comédien s’accentue pour nous faire vivre cette métamorphose, sans artifices. ¶
Bénédicte Fantin
Ma folle otarie, de Pierre Notte
Mise en scène : Pierre Notte
Avec : Brice Hillairet
Lumières : Aron Olah
Production : Compagnie des gens qui tombent
Coproduction : Dieppe DSN, Les deux îles – Montbazon
Coréalisation : Théâtre Lucernaire
Le Lucernaire • 53 rue Notre-Dame-des-Champs• 75006 Paris
Réservations : 01 45 44 57 34
Du 10 mai au 24 juin 2017, du mardi au samedi à 19 heures
Durée : 1 h 10
De 11 € à 26 €