Sofiane Chalal : un grand
Par Léna Martinelli
Les Trois Coups
Quand on est danseur, qui plus est de hip hop, comment faire fi d’un physique encombrant ? Hors norme, Sofiane Chalal, alias « Big Sof », livre un témoignage poignant sur son corps comme allié et ennemi. Ce récit initiatique est une mise à nu libératrice. Un premier solo réussi.
En surpoids, le Maubeugeois balaie les idées reçues et ne rentre dans aucune case. Il pourrait en avoir gros sur la patate. Nourri d’anecdotes, le spectacle raconte les regards qui jugent, les mots qui blessent, les préjugés. Paradoxalement, c’est la scène qui l’a transformé. Il s’y engage pleinement.
Mêlant danse, texte et images, Sofiane Chalal partage sa bataille existentielle avec beaucoup de sensibilité. Il ne prend pas de revanche. Il bouscule juste les codes, osant même la danse du ventre. Plus qu’un clin d’œil, c’est un sacré focus : « Le truc que j’ai envie de cacher tout le temps, quand même », précise-t-il. Il a l’audace de se dévoiler, de s’exposer. Obésité n’est pas obcénité. Sur le plateau, il assume pleinement ce qu’il est.
Hymne à la différence
Alors, à la fin, on ne voit plus sa corpulence. On admire Sofiane Chalal. Il est extraordinaire, d’une grande générosité et doté d’un talent monstre. Quelle qualité de mouvement ! En scène depuis ses 7 ans, il se produit à La Villette à 12 ans, enseigne dès ses 17 ans. Vice-champion du monde de hip-hop, il s’ouvre ensuite à la danse contemporaine en devenant interprète pour des chorégraphes comme Farid Berki.
Sa technique est donc évidemment irréprochable. Habitué à se surpasser, Sofiane Chalal gère bien son anatomie imposante, son cardio mis à rude épreuve. Et quelle grâce ! Sa gestuelle si singulière charrie à la fois l’énergie du krump, la fulgurance du popping et la fragilité du mime. Son travail sur le visage est aussi impressionnant.
Hors format
Sa parole est parfois encombrée, la mise en scène empruntée au stand up, avec une prise de parole frontale, un peu militante. Ça déborde de partout, y compris dans l’autodérision. Qu’importe ! Son propos demeure d’une rare délicatesse. Hormis l’interprétation chorégraphique et la sincérité de la démarche, on est vraiment séduit par les échappées poétiques, source d’émotions.
Dès les premières minutes, alors que son corps est encore caché, Sofiane Chalal creuse sa part d’ombre. Accompagné d’un personnage animé, il évoque sans tabou une situation quasi schizophrène : ce que l’on voit de soi n’est pas forcément raccord avec ce que voient les autres. Tout n’est-il pas lié à la perception ? Apparaître ainsi permet une mise à distance du double qui souffre face à l’interprète sublimé par les projecteurs.
Mettre ainsi en lumière cette part d’ombre porte ses fruits. Cela permet de jouer à différentes échelles, de défier les lois de l’apesanteur. Non seulement cette démarche est thérapeutique, mais elle est utile à d’autres. Vu le succès, Sofiane Chalal envisage sa première création pour d’autres interprètes : « Sur le même thème, j’aimerais mettre sur scène dix corps de danseurs gros , hors normes. » Énorme ! 🔴
Léna Martinelli
Ma part d’ombre, de Sofiane Chalal
Cie Chaabane
Chorégraphie et jeu : Sofiane Chalal
Régie générale, régie lumières : Adrien Hosdez (en alternance avec Guillaume Bonneau)
Régie son : Nicolas Tarridec (en alternance avec Rémi Malcou)
Scénographie et vidéo : Pierre Nouvel
Animation vidéo : Bilel Allem
Création sonore : Mathieu Calmelet
Création lumières : Adrien Hosdez
Costumes : NINII Fanny Dheygere
Collaboration artistique : Mickaël Phelippeau
Regard extérieur : Teresa Acevedo
Regard intime : Michèle Laroque
Co autrice : Anne Lepla
Durée : 50 minutes
Dès 9 ans
Le 11, du 7 au 26 juillet 2023, relâche les 13 et 20, à 18 h 25
De 9 € à 22 €
Réservations : en ligne ou 04 84 51 20 10
Dans le cadre du Festival Off Avignon, du 9 au 26 juillet 2023
Plus d’infos ici
Dispositif Hauts-de-France à Avignon
Tournée ici :
• Les 12 et 13 octobre, Théâtre de la Madeleine, à Troyes (10)
• Les 18 et 19 octobre, Scène nationale d’Orléans (45)
• Le 5 décembre, Manège Maubeuge, Théâtre Léo Ferré, Aulnoye-Aymeries (59)
• Du 12 au 23 décembre, Théâtre des Bernardines, à Marseille (13)
• Les 11 et 12 janvier 2024, Opéra Grand Avignon (84)
• Les 30 et 31 janvier, Le Bateau Feu, scène nationale, à Dunkerque (59)
• Le 7 et 8 février, Scènes du Golfe, à Vannes (56)
• Du 12 au 16 février, Les Quinconces-L’Espal, scène nationale, au Mans (72)
• Le 12 mars, Festival Les Arts Détonnants, à Tourcoing (59)
• Le 14 mars, Maison des Arts et Loisirs, dans le cadre du Festival Kidanse, à Laon (02)
• Le 19 mars, Palais de la Porte Dorée, à Paris (75012)
• Les 20 et 21 mars, Maison de la Culture et des Loisirs, dans le cadre du Festival Kidanse, à Gauchy (02)
• Le 24 mars, MAC de Sallaumines, à Sallaumines (62)
• Du 28 au 30 mars, Le Vivat, scène conventionnée, à Armentières (59)
• Les 9, 11 et 19 avril, dans le cadre du Festival Kidanse (80)
• Les 26 et 27 avril, dans le cadre du Mini D Festival, Théâtre Marni, à Bruxelles (Belgique)
• Du 13 au 17 mai, Centre chorégraphique national de Tours (37)
• Le 14 juin, Espace des Arts, scène nationale, à Châlons-sur-Saône (71)
Photos : © Marie Damien