« Maldonne », Leïla Ka, Critique, Théâtre de Sartrouville

Maldonne-Leila Ka © Monia Pavoni

Re-belles

Léna Martinelli
Les Trois Coups

Hymne à la féminité plurielle et à l’émancipation, « Maldonne » fait danser les corps qui n’osent pas parler dans un tourbillon de tissus. Porté par cinq interprètes souveraines, le spectacle de Leïla Ka élève les victimes de violences conjugales en madones. Et c’est percutant.

Sur scène, des robes, des corps, des femmes. Un coup évité. Un signe. Un regard. Elles sont cinq, d’abord immobiles et impassibles, unies comme les doigts de la main (ou du poing). Elles finiront debout, vivantes, révoltées. De l’exception à la routine, les gestes se répètent, le rythme s’accélère jusqu’à l’angoisse haletante qui précède l’effondrement. Chaque mouvement devient ensuite acte de résistance, entre combats silencieux et éclats de rire complices.

Pulsions de vie

Révélée par Maguy Marin, Leïla Ka a conquis le public avec ses solos primés à l’international, dont Pode Ser (lire la critique). Dans cette première pièce chorale, on reconnaît son style à vif, entre punchlines et envolées lyriques : la chorégraphe a composé avec des personnalités, la puissance de l’une, la grâce de l’autre, des danseuses exceptionnelles.

Les corps vibrent. Comme dans un rituel, la violence devient force, le silence résonne, le coup devient pulsion de vie. Le souffle relie ces êtres meurtris. Solidaires, ces victimes nous rappellent que malgré les épreuves et les problèmes d’ego, une énergie commune, universelle, peut les transcender.

Un chœur haletant de femmes éprises de liberté

Cette célébration des femmes dans leurs singularités donne à voir la complexité du sujet. Les interprètes y changent de tenues comme d’état : tristesse, soumission, colère, joie… Elles occupent la vaste scène, reproduisant les clichés pour mieux les déconstruire dans l’instant qui suit. En effet, Leïla Ka transpose sur scène des émotions et moments de partage vécus avec ses sœurs, ses amies, des rencontres ici et là. Si tous les tableaux n’ont pas la même intensité, l’ensemble est de haute tenue, avec une écriture tout en cadences et ruptures.

© Laurent Philippe

Les tissus volent, s’accrochent et accompagnent les mouvements d’une danse magnétique et théâtrale, dont de la pantomime. À la fois entraves et parures, bâillons, serpillières, déshabillés aguicheurs, robes de mariées, de chambre ou fleuries, tenues de bal, étendards, les étoffes se parent de toutes les couleurs et revêtent moult symboles.

D’ailleurs, Leïla Ka crée toujours à partir des costumes : un tutu rose, un bas de jogging et des baskets dans son premier opus ; ici, une garde-robe composée de 40 pièces de seconde main qui racontent, chacune, une histoire. Celles-ci permettent aux danseuses de rentrer dans la peau des personnages et déterminent une qualité de mouvement d’une rare puissance expressive.

© Monia Pavoni ; © Nora Houguenade

Mathame, Plastikman, Lara Fabian, Leonard Cohen et Vivaldi… On traverse les époques pour signifier que, depuis toujours, les femmes doivent se battre. Jeu de mot avec Madone, le titre traduit-il l’impossible amour : la virginité serait-elle la solution ? Il est surtout inspiré par l’envie de rebattre les cartes, puisqu’il y a maldonne et que, en matière de droits, les inégalités perdurent.

Léna Martinelli


Site de la Cie Leïla Ka
Chorégraphie et costumes : Leïla Ka
Avec : Jade Logmo, Justine Agator, Adèle Bonduelle, Lise Messina, Flore Ruiz-Moiret
Assistante chorégraphie : Jane Fournier Dumet
Dès 14 ans

Théâtre de Sartrouville CDN des Yvelines • Place Jacques-Brel • 78500 Sartrouville • Tel. : 01 30 86 77 79
Le 18 novembre 2025
Visionner ici la réalisation deJosselin Carré (2024) sur Arte
Visionner aussi la réalisation de Poder Se parXavier Reim (2020) sur Arte

Tournée (sélection) :
• Le 6 décembre, Festival de danse de Cannes
• Les 16 et 17 décembre, Les 2 Scènes, à Besançon
• Le 7 janvier 2026, L’Azimut, Théâtre Firmin Gémier, à Antony
• Le 3 février, L’Olympia, à Paris
• Les 7 et 8 février, Théâtre, à Fontenay-sous-Bois
• Les 10 et 11 février, Scènes du Golfe, à Vannes
• Les 19 et 20 février, Maison de la musique de Nanterre
• Le 4 avril, L’Étoile de Jade, à St-Brévins-Les-Pins
• Du 9 au 11 avril, TNN, à Nice
• Le 21 avril, En scènes, à Annonay
• Le 28 avril, L’Entracte scène conventionnée de Sablé
• Les 6 et 7 mai, Les Gémeaux, à Sceaux
• Du 11 au 13 mai, Théâtre du Rond-Point, à Paris

Photos de une : © Monia Pavoni

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