« Mariage et châtiment », de David Pharao, Théâtre Hébertot à Paris

Un texte au cordeau

Par Isabelle Jouve
Les Trois Coups

David Pharao, virtuose de l’écriture, et Jean‑Luc Moreau, metteur en scène de talent, nous livrent un spectacle hautement calibré.

Mariage et châtiment est une pièce sur l’engrenage infernal dans lequel n’importe qui peut tomber lorsqu’il pratique l’art du mensonge, sans parachute et sans réelle expérience de la chose. Quand il s’enferre dans toujours plus de bobards, de malentendus, de « menteries ».

Édouard (Daniel Russo), un architecte à la cinquantaine très florissante, est sur le point d’assister au mariage de son meilleur ami Fred (Laurent Gamelon), une brute tendre quoiqu’un peu trop impulsive. La femme d’Édouard, Marianne (Delphine Rich), ne souhaite pas s’y rendre pour la simple et bonne raison qu’elle ne cautionne pas le choix de Fred. Pour elle, la future mariée n’est qu’une benette, « le féminin de benêt ». Elle s’offre donc un week-end à la campagne, chez une amie.

Peu après son départ débarque inopinément la stagiaire d’Édouard. Elle a décidé de s’incruster chez lui jusqu’à ce qu’ils terminent un projet important et très rémunérateur à rendre l’après-midi même. C’est pour elle une question de survie, car elle est enceinte de lui (suite à une folle nuit dont il n’a aucun souvenir) et dans le besoin. Pour se sortir de ce mauvais pas, Édouard accepte de finir le projet à condition qu’il puisse assister au mariage.

Malheureusement, les choses ne vont pas se passer comme prévu. Le public n’en attendait pas moins. Non seulement Édouard ne participera pas à la noce, mais en plus, cet homme plutôt intègre commettra l’irréparable : mentir ignominieusement pour se tirer d’affaire. C’est le seul moyen qu’il trouve pour ne pas perdre son ami Fred qui lui en veut terriblement de ne pas être venu le soutenir à l’église. De fait, ce mensonge est tellement abominable qu’il va avoir de graves répercussions et conséquences pour tout le monde.

Une belle performance

De quiproquos en saynètes plus rocambolesques les unes que les autres, le spectateur assiste à tout un florilège qui pourrait passer pour excessif si le texte n’était pas aussi bien tiré au cordeau et les acteurs aussi bons. La mise en scène de Jean‑Luc Moreau est parfaitement rythmée et sans temps mort. Il est tout à fait vrai que « le public travaille avec les acteurs au fur et à mesure où la pièce avance ». Le metteur en scène a su faire simple et efficace avec une intrigue à multiples rebondissements.

Les mots de David Pharao quant à eux fusent et crépitent. Ils sont « pesés, choisis, réfléchis. Les répliques [sont] précises comme chez Feydeau. L’écriture [est] si bien calibrée que les comédiens savent le chemin psychologique qu’ils doivent emprunter pour donner vie à leur personnage », personnages empreints de véracité et de crédibilité. Tous les acteurs nous livrent une belle performance. Leur jeu transforme cette semi-tragédie en une comédie éclatante.

Le duo Daniel Russo-Laurent Gamelon est un choix judicieux qui marche particulièrement bien. Il a une jolie capacité à entraîner les spectateurs qui sentent une réelle complicité [pourtant, c’est la première fois qu’ils jouent ensemble au théâtre]. En outre, leur taille et leur corpulence respectives assoient encore plus la pièce dans le registre comique. Les trois autres comédiennes se complètent subtilement. Mention spéciale à Fannie Outeiro, truculente dans son rôle de future-ex‑mariée éminemment niaise et gourde, « dont le cerveau est comme neuf car il n’a pas beaucoup servi ».

Le public qui vient assister à ce spectacle sait ce qui l’attend. Il ne sera pas déçu. Au contraire ! On en ressort joyeux et léger et on en redemanderait presque. En ces temps austères, rire de bon cœur est un sacré remède. 

Isabelle Jouve


Mariage et châtiment, de David Pharao

Mise en scène : Jean‑Luc Moreau

Avec : Daniel Russo, Laurent Gamelon, Delphine Rich, Fannie Outeiro, Zoé Nonn

Assistante mise en scène : Anne Poirier‑Busson

Scénographie : Jean‑Michel Adam

Costumes : Juliette Chanaud

Lumières : Jacques Rouveyrollis, Jessica Duclos

Arrangements musicaux : Sylvain Meyniac

Photos : © Lot

Théâtre Hébertot • 78 bis, boulevard des Batignolles • 75017 Paris

Réservations : 01 43 87 23 23

Site du théâtre : www.theatrehebertot.com

Métro : Villiers ou Rome

Du 1er septembre 2016 au 15 janvier 2017, du mardi au samedi à 21 heures, le dimanche à 15 heures

Durée : 1 h 35

53 € | 43 € | 29 € | 17 €

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Une réponse

  1. Pour info, le texte intégral de la pièce et un dossier sur le spectacle sont publiés dans L’avant-scène théâtre n°1408. Suggestion : quand le texte est disponible, ce serait bien que les critiques dramatiques le mentionnent. RF

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