« Merlin l’Enchanteur », de Florence Delay et Jacques Roubaud, Théâtre national populaire à Villeurbanne

« Merlin l’Enchanteur » © Franck Beloncle

La saga du Graal, acte II

Par Trina Mounier
Les Trois Coups

L’aventure aura pris trente ans et donné neuf volumes… « Merlin l’Enchanteur » est le deuxième. Il fait ainsi suite à « Joseph d’Arimathie », présenté au T.N.P. l’an dernier.

Le Graal Théâtre est un projet un peu fou, écrit à quatre mains par des écrivains à la personnalité éclectique et originale dont l’écriture n’est pas, loin s’en faut, le seul talent. Florence Delay est certes romancière, mais aussi historienne, et ses attaches avec le théâtre remontent au temps où elle interpréta la « Jeanne d’Arc » de Bresson. Jacques Roubaud est poète, mais aussi mathématicien… Ensemble, ils ont recomposé un cycle du Graal, une épopée celtique, à partir des légendes construites autour de personnages tels que Morgane, Arthur, Perceval à la manière des conteurs d’autrefois, uniquement par voix orale, avec de brusques accélérations du temps et des retours en arrière, des digressions, des sauts dans d’autres époques…

Il faut du souffle pour entreprendre de monter cette somme impressionnante. Le deuxième volume, Merlin, par exemple, dure trois heures… C’est donc à deux voix aussi que Julie Brochen, directrice du Théâtre national de Strasbourg, et Christian Schiaretti, directeur du T.N.P., ont décidé d’entreprendre la mise en théâtre de la totalité du cycle du Graal, cette « matière de Bretagne ». Avec les deux équipes techniques et les deux troupes des deux théâtres nationaux.

Un petit air satanique du meilleur effet

Merlin l’Enchanteur retrace donc toute l’histoire de ce personnage hors du commun aux pouvoirs formidables, notamment celui de lire l’avenir et sans doute d’y imprimer sa marque, et même de ne jamais mourir. Rappelons que ces légendes celtiques se lisent comme un contrepoint à la mythologie chrétienne, que la force tellurique y est davantage invoquée que la fidélité au dogme, que Merlin y a un petit air satanique du meilleur effet… Peut-être hante-t‑il d’ailleurs le théâtre, tel le Fantôme de l’Opéra…

L’on regarde ce spectacle comme l’on feuillette un livre d’images : il y est question de fées, de naissances mystérieuses, de forêts enchantées… On y entend des noms qui ont bercé notre enfance, le Roi Arthur, Excalibur son épée invincible, la Reine Guenièvre, la Fée Viviane et Merlin, bien sûr. On y entend aussi le fracas des armes, puisqu’il s’agit aussi d’une épopée guerrière et qu’Arthur n’aime rien tant que se battre à l’épée. On y voit des duels, des femmes aux têtes de cerf, des cérémonies d’adoubement, des chevaliers fidèles, des chevaliers félons, des châteaux qui s’enfoncent dans la terre, des arbres centenaires qui en surgissent en un clin d’œil, des Tables rondes qui descendent du ciel… Le décor conjugue grande sobriété, espaces vertigineux : esthétique sans défaut et maîtrise technique.

En plein merveilleux

Ainsi, on est en plein merveilleux. Seule différence avec nos souvenirs d’enfance, les sombres histoires d’inceste et d’infanticide qui émaillent ces légendes, ce qui en fait le poids et le charme si l’on en croit les psychanalystes. Et sans doute des histoires qui n’ont pas été écrites selon une trame linéaire et facilement compréhensible, mais à la manière brouillonne et touffue du style oral. On s’y sent parfois perdu. Certaines scènes sont un peu longues. Les miracles et les batailles, d’une part, les drôleries, pointes d’humour, clins d’œil, apartés, néologismes (ah ! l’irruption de Don Quichotte en vidéo !), d’autre part, ne compensent pas toujours des interprétations un peu statiques de ces héros sans épaisseur psychologique, rendus à leur seul habit de mythe. Le temps et l’espace du détour onirique… 

Trina Mounier


Merlin l’Enchanteur, de Florence Delay et Jacques Roubaud

Mise en scène : Julie Brochen et Christian Schiaretti

Création avec les troupes et les équipes du T.N.P. et du T.N.S.

Avec : Muriel Ines Amat, Laurence Besson, Antoine Besson, Olivier Borle, Fred Cacheux, Jeanne Cohendy, Marie Desgranges, Julien Gauthier, Damien Gouy, Antoine Hamel, Ivan Hérisson, Xavier Legrand, Jean‑Claude Leguay, David Martins, Clément Morinière, Cécile Péricone, Jérôme Quintard, Yasmina Remil, Hugues de La Salle, Julien Tiphaine, Clémentine Verdier et les voix de José Luis Gomez et André Pomarat

Scénographie et accessoires : Fanny Gamet, Pieter Smit

Lumières : Olivier Oudiou

Costumes : Sylvette Dequest, Thibaut Welchlin

Coiffures, maquillage : Catherine Nicolas

Son : Laurent Dureux

Vidéo : Raoul Assant

Recherche musicale et travail vocal : Yann-Fanch Kemerer, Cyprien Sadek

Masques : Erhard Stiefel

Assistant à la mise en scène : Hugues de La Salle

Assistante : Laure Charvin

Photo : © Franck Beloncle

T.N.P. • 8, place Lazare-Goujon • 69100 Villeurbanne

www.tnp-villeurbanne.com

Réservations : 04 78 03 30 00

Du 1er au 17 juin 2012 à 20 heures, dimanche à 16 heures, relâche le lundi

Durée : 3 heures

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