Montpellier Danse 2017, 37e édition, à Montpellier

« Put your Heart under your Feet... and walk / à Elu », de Steven Cohen © Pierre Planchenault

Montpellier Danse : une 37édition « bigarrée »

Par Léna Martinelli
Les Trois Coups

Rendez-vous incontournable, Montpellier Danse invite chaque année les chorégraphes contemporains les plus en vue. Le festival se déroule jusqu’au 7 juillet.

Depuis 1981, tous les regards d’amateurs de danse contemporaine sont braqués sur Montpellier Danse. En effet, c’est là que les grandes créations des Diverrès et Montet, Chopinot, Larrieu, Decouflé, Bouvier-Obadia, Marin, entre autres, y ont été découvertes, en plus de celles (quasi systématiquement présentées) de Dominique Bagouet et Mathilde Monnier.

Associé au mouvement bouillonnant de la nouvelle danse (et ses prolongements), avec laquelle il entretient une fidélité sans faille, le Festival accompagne de jeunes artistes. Les compagnies et chorégraphes de plus grande notoriété internationale (Batsheva, Nederland Dans Theater, Anne Teresa de Keersmaeker, William Forsythe, Sankaï Juku, Sasha Waltz, Jan Fabre, Saburo Teshigawara, etc.) s’y produisent aussi régulièrement.

Le Festival impulse donc les tournants ; il questionne les tendances esthétiques en matière chorégraphique. L’engagement d’une recherche tous azimuts va souvent de pair avec un discours sur le monde. On peut le vérifier avec la programmation de cette année, comme toujours de haute tenue, laquelle compte pas moins de treize créations.

Voyages et déflagrations

Angelin Preljocaj a fait l’ouverture en reprenant, pour son Ballet, les Pièces de New York (Spectral Evidence et la Stravaganza), un précipité de cultures créé pour le New York City Ballet, il y a quelques années. Le Dutch National Ballet clôt la programmation, avec deux pièces de Hans van Manen. Entre temps, l’habituelle tête d’affiche, Mathilde Monnier, s’associe à l’écrivain Alan Pauls pour l’une des créations les plus attendues de Montpellier Danse, El Baile, née d’un voyage en Argentine et portée par douze interprètes de Buenos Aires.

Marie Chouinard, quant à elle, présente une reprise, Soft virtuosity, still humid, on the edge, créée au Dance Festival de Stuttgart. Véritable ambassadrice du Québec, sa compagnie est applaudie partout sur la scène internationale, notamment à la Biennale de danse de Venise, qu’elle dirige, mais elle se produit pour la première fois à Montpellier. C’est notre coup de cœur. Sa parole tranchée dans le vif de la danse montre les vacillements de l’homme, la violence de l’exil. C’est littéralement saisissant.

« Duos », d’Emanuel Gat © Julia Gat
« Duos », d’Emanuel Gat © Julia Gat

Autre belle découverte de cette édition : TENWORKS (for Jean-Paul), du brillant Emanuel Gat, chorégraphe associé depuis 2013. Sous prétexte de rendre hommage au directeur du Festival, Jean-Paul Montanari, il déploie un condensé de son style, avec ses danseurs et ceux du Ballet de l’Opéra de Lyon, tous à la technique irréprochable. Une danse puissante dont émerge une dialectique entre ensembles et duos. Il a également proposé une série de danses à deux dans l’espace public, entretenant ainsi la relation avec les publics locaux, professionnels et amateurs, entamée depuis longtemps ici.

Parmi les autres spectacles remarqués : l’artiste plasticien, chorégraphe et performeur Steven Cohen interroge la question raciale et le regard porté sur l’homosexualité. Antonio Canales et Rafael Campallo rendent hommage à ceux et celles qui ont marqué de leur empreinte l’histoire du flamenco. Sharon Eyal et Gia Behar présentent une danse agitée au plus près du corps. Provocatrice, engagée pour la libération de la femme, l’Ivoirienne Nadia Beugré, quant à elle, ne cherche pas à plaire, mais à vaincre. Dans Tapis Rouge, elle révèle les dessous d’un pouvoir qui piétine une humanité exploitée, sans oublier de mettre en perspective l’histoire du colonialisme.

On peut aussi approcher la danse avec le cinéma : la projection des vingt-trois œuvres de Merce Cunningham et de deux documentaires consacrés au grand maître retracent près d’un demi-siècle de danse en images. Sans oublier les rencontres, grandes leçons de danse et cours en plein air donnés par les artistes du Festival et ouverts à tous. Voilà donc autant d’expériences inédites et un condensé d’histoire bien appréciables.

Le bar de l’Agora © Sarah Meneghello
Le bar de l’Agora © Sarah Meneghello

Un festival ancré dans son époque et sur son territoire

À cheval sur plusieurs générations (le plus jeune chorégraphe a 35 ans et l’aîné, 85 ans), Montpellier Danse représente toujours différentes disciplines (néo-classique, post modern dance, hip hop, performing art) et tous les continents sont représentés (sauf l’Asie). Premières internationales et reprise importantes composent une bien belle édition « disons, bigarrée », comme la qualifie son directeur. Un festival installé dans toute la ville et sa périphérie. Si l’Agora (Cité internationale de la danse partagée avec le Centre chorégraphique national, dirigé par Christian Rizzo) est le centre névralgique du Festival, au Couvent des Ursulines, la manifestation se déploie effectivement dans plusieurs lieux disséminés dans Montpellier Méditerranée Métropole.

En plus de son développement géographique, Montpellier Danse est de plus en plus présent toute l’année puisque, depuis 1996, il orchestre aussi bien la saison d’hiver que le festival d’été. Un grand nombre de compagnies y travaillent. D’ailleurs, lors d’une conférence de presse, Jean-Jacques Goron a détaillé les actions de la Fondation BNP Paribas, dont il est le délégué général, en matière de mécénat : « Nous soutenons Montpellier Danse depuis 2012, autour d’un programme de résidence, tout au long de l’année, un programme qui a déjà bénéficié à une soixantaine d’artistes ». Accompagnée de sa collaboratrice Marjorie Carré, il en a profité pour souligner la spécificité de leurs missions pour la danse contemporaine : « Depuis 32 ans, nous soutenons la création chorégraphique et les échanges internationaux, avec une méthode d’accompagnement sur le long terme, pour faciliter le temps de recherche et de création de nombreux chorégraphes, dont Mourad Merzouki, Sidi Larbi Cherkaoui, Alonzo King, Phia Ménard, ou encore Emanuel Gat. Avec nos artistes, c’est une affaire de rencontres, de fidélités et de libertés ». Une complicité artistique qui contribue à la vitalité de la création, que ce soit à Montpellier Danse ou sur d’autres scènes chorégraphiques. 

Léna Martinelli


Montpellier Danse, 37édition

Site du festival     

Du 23 juin au 7 juillet 2017, dans toute la ville

Théâtre de l’Agora (bureaux du festival) • Bd Louis-Blanc • 34000 Montpellier

Réservations : 0 800 600 740 et ici 

Tarifs : de 18 € à 28 €

Photos : © Pierre Planchenault © Jean-Claude Carbonne © Martin Colombet © Hans Gerritsen © Julia Gat © Sarah Meneghello 

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