Sans bavure mais sans frisson ?
Par Laura Plas
Les Trois Coups
Le Monfort accueille le Galactik Ensemble pour une série de représentations d’« Optraken », variation virtuose pour cinq acrobates sur l’épreuve de l’imprévu. On rit, on admire des exécutions réglées comme du papier à musique, mais on peut rester aussi impassibles que les interprètes.
Le nouveau cirque, en son beau miroir, ne cesse d’interroger ce qui fait l’essence de la pratique circassienne : le vide, le risque, la chute… Cela donne en ce début de saison des spectacles aussi différents que Le Corps utopique de Nikolaus Holz et Optraken. D’une part, la déglingue et un côté punk, de l’autre, un travail d’orfèvre à l’esthétique léchée.
En effet, Optraken, tel un beau kaléidoscope, fait se succéder des images parfois saisissantes sur la relation mouvementée entre l’homme et un milieu hostile. Dans un travail chorégraphique, l’image se compose et de décompose avec fluidité. C’est ce qui fait d’ailleurs qu’on ne saurait isoler la performance d’un artiste : la notion de collectif n’est pas un vain mot, on la perçoit à chaque instant. Ajoutons que les acrobates réussissent à être dedans et dehors, à associer le travail de metteurs en scène et d’interprètes : ce qui n’est pas évident.
Cependant, la réussite plastique d’Optraken tient tout autant aux collaborateurs de l’ombre qu’aux cinq garçons qui occupent la scène : la lumière est ciselée, les costumes offrent de beaux camaïeux. Quant à la bande son, elle vaudrait, à elle seule, le déplacement. Nappes de sons perforées par des chocs, création d’une rythmique de la déflagration, perturbation parodique de la musique traditionnelle militaire ou circassienne… On ne peut dénombrer toutes les trouvailles musicales de Denis Marlotte, bien plus fortes que la mignonne tentative de chant a capella des acrobates.
Cibles peu émouvantes
Le Galactik Ensemble a donc fait le choix (pertinent) d’un cirque d’images. Le travail plastique y est mis en valeur par l’évacuation de la parole explicative, de la narration et du jeu. Les interprètes restent donc mutiques et impassibles, obligeant le spectateur à être aux aguets des sons et des images. Tirs groupés ou isolés, déflagrations en tout genre se succèdent et quand le spectateur ne constate que des cintres, plus aucun danger ne peut surgir, le spectacle s’achève.
Plus exactement, la référence cinématographique semble ici prévaloir, tant Optraken joue sur le travelling, en particulier en fond de scène, avec de belles trouvailles. On retrouve là des techniques spécifiques, comme l’effet Koulechov, quand, par exemple, une plante verte sert à discréditer le plan d’un orateur.
Enfin, le rythme instauré présente quelque chose de burlesque. Le temps est parfois étiré jusqu’à l’ennui pour que surgissent l’imprévu et le rire (celui des enfants surtout). Peut-être… car le spectateur pourrait aussi éprouver l’impression que le risque est totalement maîtrisé (comme dans un film aux cascades enregistrées), ou, tout au moins, qu’il ne le concerne pas. ¶
Laura Plas
Optraken, du Galactik Ensemble
De et avec : Mathieu Bleton, Mosi Espinoza, Jonas Julliand, Karim Messaoudi, Cyril Pernot
Durée : 1 h 15
À partir de 9 ans
Photo : © Marie Fonte
Théâtre Monfort• Parc Georges Brassens, 106, rue Brancion • 75015 Paris
Du 7 au 25 novembre 2017, du mardi au samedi à 20 h 30, relâche les dimanches, puis tournée
De 8 € à 25 €
Réservations : 01 56 08 33 88
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