Bouillon et Newman déploient toute la gamme des émotions
Par Lorène de Bonnay
Les Trois Coups
La compagnie Calliopé Comédie présente « Opus cœur » d’Israël Horovitz à la Fabrik’Théâtre : un drame plein d’humanité et de tendresse que la performance inouïe des comédiens rend particulièrement émouvant.
Trois séquences ou mouvements composent cet opus dont l’action se situe dans la ville portuaire de Gloucester, Massachusetts. Tout d’abord, Jakob Brackish, ancien professeur de littérature et de musicologie à l’université, embauche Kathleen Hogan pour l’aider à vivre les derniers mois de son existence. L’opposition traditionnelle de comédie entre la figure du maître (ici un vieil homme cultivé, solitaire, sans famille, passant ses journées à écouter une radio classique assis dans son « cher fauteuil » ou à lire la rubrique « nécrologie ») et la servante (une jeune femme modeste et peu éduquée) se déploie lentement. Les dialogues, simples, justes, cinglants, soulignent cette opposition d’âge, de tempérament et de classe sociale qui se développe au fil des semaines.
Dans un deuxième temps, la tension dramatique s’accroît jusqu’au paroxysme : la révélation des vraies identités de chacun. Alors que Jakob fait semblant d’être sourd pour mieux épier Kathleen dont il a appris qu’elle était une ancienne étudiante, cette dernière exprime au public son désir de vengeance sociale, culturelle et familiale. La violence verbale de l’aide-ménagère, qui se considère comme une ratée (comme l’indique d’après elle les initiales de son nom K.O.), atteint son comble lorsqu’elle croit que Jacob ne l’entend pas : elle exprime alors une rage viscérale. La Kathleen à la langue bien pendue (proche des servantes de Molière ou Marivaux) s’apparente alors aux Bonnes de Genet qui manifestent leur volonté sadique de souiller la personne qui les emploie. On songe aussi au film de Polanski la Jeune Fille et la Mort où une femme séquestre son ancien bourreau nazi. La pièce atteint son acmé lorsque le malentendu entre les deux personnages éclate…
Un message d’espoir
Outre cette dramaturgie efficace et la justesse des dialogues, la réussite du spectacle réside surtout dans le jeu des comédiens. Jean‑Claude Bouillon et Nathalie Newman portent avec pénétration ce texte truffé de clichés, de tendresse, d’humanité et d’espoir. Ils parviennent avec délicatesse à déployer toute la gamme des émotions, à faire jaillir l’ironie, le tragique, le trivial ou le pathétique du texte d’Horovitz. Le choix d’un décor très réaliste permet de se focaliser sur ce huis clos qui concerne deux personnages bien caractérisés et néanmoins universels. Alors, certes, la fin était prévisible, mais l’on ne s’attendait pas à être si ému. La résolution et la disparition du conflit provoque une si belle catharsis… Chapeau très, très bas aux acteurs capables de nous percer le cœur avec tant de naturel. ¶
Lorène de Bonnay
Opus cœur, d’Israël Horovitz
Cie Calliopé Comédie
06 84 18 83 32
Site : http://www.calliopecomedie.com
Courriel : contact@calliopecomedie.com
Mise en scène : Caroline Darnay
Avec : Jean‑Claude Bouillon, Nathalie Newman, Alain Lawrence (voix off), Alexis Moncorgé (voix off)
Scénographie : Caroline Mexme
Lumières et photos : Michel Cabrera
Son : Michel Winogradoff
Costumes : Monika Mucha
Régie : Maryline Cabrera
Photo : © Stéphane Larroze
Fabrik’Théâtre • 1, rue du Théâtre • 84000 Avignon
Réservations : 04 90 86 47 81
Courriel : contact@fabriktheatre.fr
Du 8 juillet au 31 juillet 2013 à 12 heures
Durée : 1 h 30
De 8 € à 18 €