Quand la jeunesse promet
Par Lise Facchin
Les Trois Coups
L’école Teatro Dimitri, basée en Suisse, présente ses étudiants au Off, dans une adaptation de l’Arioste. Un spectacle formidable, surprenant, et d’une grande rigueur.
Comme il est beau le spectacle quand il se saisit des différents langages de la scène pour les conduire à l’harmonie ! C’est ce qu’on su faire ces tout jeunes comédiens dans ce spectacle de dernière année. Musiciens, chanteurs, mimes, acrobates, comédiens, danseurs… ils sont tout cela, avec un talent surprenant. D’autant que s’attaquer à l’œuvre de l’Arioste n’était pas une mince affaire !
En fond de scène, on voit une structure de panneaux de bois, à mi-chemin entre le retable, le cercueil et le mur d’escalade ; et sur le plateau, un matelas de plusieurs mètres recouvert d’un grand drap. La pièce s’ouvre sur une chanson a cappella, les treize interprètes allongés et assis les uns sur les autres. Immédiatement, on est saisi, et la magie ne cessera plus d’opérer jusqu’à la fin. La justesse et la matière des voix, la beauté des mélodies volontairement travaillées sur des structures polyphoniques, associées à l’acoustique assez impressionnante de cette ancienne chapelle, clouent le spectateur à son siège, comme un papillon épinglé à son cadre, entre effroi et étonnement.
Le spectacle, en italien, à l’exception de quelques scènes dans le camp français, est uniquement surtitré pour résumer, en une phrase brève, les différents tableaux, laissant le spectateur se dépatouiller avec la langue superbe de l’Arioste. Loin de gêner, ce parti pris permet de voir toute la force d’une mise en scène riche et pleine de surprises merveilleuses.
Une scène extraordinaire, insensée
Il y a la folle scène de l’hippogriffe, où les comédiens s’articulent les uns aux autres pour former le plus extraordinaire des monstres jamais vus sur une scène de théâtre. La scène où Rodomont, guerrier musulman, descend du panneau de fond de scène, psalmodiant une mélopée aux accents d’Orient, est également de toute beauté. Puis il y a cette scène extraordinaire, insensée, où les comédiens par des contorsions improbables, se mutent en éclopés rampants, jusqu’au rang des spectateurs médusés. Et puis, bien sûr, la prière de Charlemagne, dont l’interprète possède un talent fou : sa voix se transforme, tantôt claire comme celle d’un enfant de chœur et tantôt violente, âpre et profonde. Et la scène de la lune aussi. Quel bonheur ! Quelle pétulance ! La mise en scène de Volker Hesse, et le travail chorégraphique d’Andrea Herdeg n’ont de cesse de surprendre et d’émouvoir en mobilisant des ressources originales et audacieuses.
Alors, oui, bien sûr, quelques imperfections existent : la vidéo n’est vraiment pas toujours indispensable ni heureuse (les cordes vocales en gros plan font une image fort disgracieuse) et la salle est peut-être un peu étroite pour une mise en scène de cette ampleur… Mais qu’importe, tout cela disparaît devant la beauté d’un travail au cordeau qui a su mélanger des techniques et langages différents avec un bonheur égal. Tant les costumes que les musiques, les chorégraphies et cet incroyable matelas dont la créativité des artistes fait mille choses, font d’Orlando furioso un spectacle époustouflant d’énergie et de vitalité. Nous souhaitons longue vie à ses jeunes artistes et à ce spectacle qui prévoit une tournée en Europe. ¶
Lise Facchin
Orlando furioso, de Ludovico Ariosto
Mise en scène : Volker Hesse
Assisté d’Alexander Iwanov et Franck Münsche
Avec : Alessandra Ardit, Christa Barett, Alfonso D’Angelo, Maud Giboudeau, Maëlla Jan, Fanny Krahënbühl, Martha Kröger, Sidoine Leroy, Léonard Lesage, Maria Sautter, Selina Thüring, Raphaël Vuilleumier
Scénographie : Stephan Mannteuffel
Chorégraphies : Andrea Herdeg
Travail vocal : Antonella Astolfi
Acrobaties : Alexej Ivanov
Pantomime : Luisa Braga
Photographie et vidéo : Magdalena Erny et Micol Guido
Musique originale : Vincenzo Ciotola
Costumes : Anouk Cazin
Maquillage : Stéphanie Metzer
Photo : © Anna Bausch
Chapeau d’ébène Théâtre • 13, rue de la Velouterie • 84000 Avignon
Réservations : 04 90 82 21 22
Site : http://www.chapeaudebene.com/
Du 5 au 27 juillet 2014 à 21 h 55, relâche le 10, le 15 et le 22 juillet 2014
Durée : 1 h 30
À partir de 12 ans