Un week-end d’ouverture entre terre et ciel
Léna Martinelli
Les Trois Coups
Pour cette 10e édition, le Festival International des Arts de Bordeaux Métropole (FAB) a proposé une inauguration mémorable. Les spectateurs ont pu assister à une soirée d’ouverture dansante et, avec Gratte Ciel, une installation de haute volée dans l’espace public. Le dimanche, le FAB a invité chacun·es à s’enforester au Parc du Bourdieu à Saint-Médard, avec Joan Català. Un coup d’envoi énergisant, entre terre et ciel, pour de belles rencontres et découvertes.
Regard dans le rétro
« Faire avec le hasard et l’inattendu » : le photographe Pierre Planchenault résume ainsi le malin plaisir qu’il a pris à suivre le FAB, 10 ans durant : l’embrasement du bassin à flots par Carabosse (2017), Theo Jansen poussant l’une de ses Strandbeests sur le Miroir d’eau (2022), le Piano Vertical suspendu à Brazza (2023)… En 20 tirages grand format, il raconte une décennie de rencontres entre un public, un territoire et des compagnies artistiques du monde entier (exposition à voir jusqu’au 26 novembre en accès libre sur les grilles du jardin public).
Cette année encore, on croise Pierre Planchenault à l’œuvre. Et l’on est curieux de découvrir son regard sur ces nouvelles propositions. En ce qui nous concerne, on retient deux spectacles en plein air, deux moments suspendus. L’un, bien ancré entre cirque et théâtre, l’autre aérien entre danse et installation.
« Pelat » © Pierre Planchenault
Pour son premier solo, Joan Català a imaginé une fable physique et collective autour d’un mât de cocagne : Pelat. Un rituel simple, inspiré des traditions catalanes, où chacun trouve peu à peu sa place, dans la joie et la bonne humeur. Collaboratif, le tableau final n’est possible que grâce à la participation du public et la performance se résume à la création de ces conditions. L’artiste doit souvent déployer beaucoup d’énergie afin d’y parvenir, non sans humour. Les moyens importent davantage que le résultat final. Un moment à partager, au-delà des langues. Le Barcelonais a déjà donné 600 représentations partout dans le monde.
Chatouiller les nuages
Autre moment suspendu : RoZéO. La présence remarquée de Gratte Ciel lors de la cérémonie d’ouverture des JO de Paris a jeté un coup de projecteur sur son travail, remarquable. Fresques monumentales ou formats confidentiels, ses créations interrogent l’occupation de l’espace, le rapport à la verticalité comme moyen de tisser des liens.
« RoZéO » © Susy Lagrange ; © Sarah Meneghello
Perché·es à 6 mètres de haut sur leurs mâts, d’hypnotiques acrobates dodelinent au gré de la brise : suspension, immobilité, oscillations lentes. Le nez au vent, on se laisse bercer par le mouvement de ces trois drôles de girouettes, le ciel en toile de fond. Bergères, sorcières, prêtresses, guides ou amazones, elles nous incitent à plonger vers l’horizon et sentir le souffle de l’air. Au sol, la musicienne complice accompagne cette danse empreinte de poésie et de délicatesse.
Tel le roseau, dont le titre est tiré, cette ode à la lenteur invite à mieux s’adapter à l’environnement. D’ailleurs, pour ses compositions, la musicienne a puisé son inspiration en Camargue, où est basée la compagnie. Sons soupirés, chantés, sifflés, habillent remarquablement l’installation. Jouant avec les éléments du paysage et notre imagination, RoZéO dessine une parenthèse céleste. Une rêverie contemplative épurée. Vers l’infini et au-delà.
La tête à l’envers
Combien de temps la forêt pourra-t-elle résister face au dérèglement climatique, à la bétonnisation ? De cette analogie, la Brésilienne Clarice Lima et ses complices tirent une performance participative. Sur le bitume, elles font pousser une incroyable forêt de jambes nues : Woods / Bosque.
« Woods » © © Pierre Planchenault
Arrimées au sol par de larges jupes-coroles chatoyantes, les tiges-guiboles s’élancent vers le ciel dans une immobilité collective. Et tiennent bon, tant qu’elles le peuvent. Cette salutation aux arbres manquants et forêts oubliées donne une furieuse envie de nature (lire le reportage à Aurillac de Stéphanie Ruffier).
Composer avec la géographie et le vivant
Le collectif ussé inné est composé de quatre perfomeur·euses qui explorent depuis 10 ans l’espace public avec le corps comme vecteur de lien. Leur ADN : improviser, bousculer et créer du vivant. En alsacien, Fescht met signifie « la fête avec ». Bordeaux devient donc un immense terrain de jeux où l’on s’amuse des codes du bal, du club et autres rituels festifs. Enfin, la FABoum, avec le cocktail électro-pop de Sami Galbi et le Set aussi bouillant que la mer des Caraïbes de DOUCESŒUR, a-t-elle célébré l’anniversaire comme il se doit.
© Pierre Planchenault , © Nicolas Feuillus
De la motivation, des muscles et un vélo : c’est ce qu’il fallait pour Slow Parades nous menant à Saint-Médard. La compagnie intergalactique Air Cosmique Cycle a accompagné les pédaleur·euses. Musique, costumes, énergie collective et bonne humeur étaient au rendez-vous de cette expérience unique. En route pour s’enforester joyeusement ! On récupérera plus tard de ce week-end festif et fertile, notamment pendant les Siestes musicales avec le PESMD Bordeaux Nouvelle-Aquitaine.
De quoi bien irriguer le territoire, interroger nos façons d’habiter le monde et sensibiliser aux problématiques liées au climat.
Léna Martinelli
Pelat, de Joan Català
Création et interprétation : Joan Català
Regard extérieur et conseils artistique : Roser Tutusaus, Melina Pereyra, Jordi Casanovas, David Climent, Pablo Molinero (Los Corderos)
Tout public
Durée : 40 min
Du 26 septembre au 1er octobre 2025
Tous les lieux ici
RoZéO, Gratte Ciel
Direction artistique : Stéphane Girard et Camille Beaumier
Avec : Danilo de Campos Pacheco, Zoé Gaillard-Bizot, Martina Monnicchi
Composition interprétation : Pauline Frémeau
Tout public
Durée : 40 min
Les 27 et 28 octobre, le 4 octobre 2025
Tous les lieux ici
Spectacles vus dans le cadre du FAB – Festival International des Arts de Bordeaux Métropole, du 27 septembre au 11 octobre 2025
Photo de une : « RoZéO » © Sarah Meneghello