« Piano on the rock », de Roberto D’Olbia, Théâtre des Variétés à Paris

« Piano on the rock » © D.R.

Piano on the flop

Par Sylvie Beurtheret
Les Trois Coups

Il n’est pas né de la dernière note, le beau Roberto ! Repéré et lancé par des Laurent Boyer, Jean‑Marie Bigard et autre Patrick Sébastien, ce virtuose « dresseur de piano » à queue qui fait l’humour à la musique, ce maestro du grand écart culturel qui met le fait feu à tous les genres musicaux, a déjà rempli L’Olympia, Le Casino de Paris et conquis Le Stade de France. Son nouveau spectacle, taillant dans le rock les plus grands classiques, promettait d’être explosif. Mais, en ce soir de première, l’effet a plus tenu du pétard mouillé. Question de rodage peut-être…

« Zut ! On est trop mal placé pour voir les mains du pianiste… » Voilà une petite contrariété habituelle des concerts qui n’est pas de mise ici. Car, sur cette scène du Théâtre des Variétés, les fameuses mains virevoltent aussi… sur les flancs du piano à queue (merci la vidéo !), s’offrant astucieusement à la vue de tous. Et c’est tant mieux ! Car il aurait été sacrilège de ne pouvoir admirer ce qui fait finalement le clou unique de ce spectacle : les doigts véloces et aériens de cet iconoclaste de Roberto D’Olbia, qui, sans fausse note jamais, cavalent, caressent, titillant la noire et affolant la blanche à vous donner le tournis !

À ses débuts, on l’avait surnommé le Pierre Richard du piano, vu son côté burlesque et charmeur. Il aurait sans doute préféré qu’on lui donne du « Arthuro Rubinsteino », ou du « Wolfgango Amadeo » ! Dès l’âge de trois ans, ce petit Mozart à l’italienne (né à Beauvais en 1970 de parents sardes) n’avait-il pas révélé des dons inouïs pour le piano, jouant et improvisant d’instinct sur tout ce qui tombait dans son oreille absolue ? Rien d’étonnant donc à ce que le jeune Roberto, qui passera sous les fourches caudines du prestigieux Conservatoire de Paris et côtoiera les grands maîtres, donne son premier récital à treize ans.

Mais voilà… Les habits amidonnés de l’académisme brident un peu le trublion aux multiples talents. À quinze ans, il s’envole donc mener sa vie de saltimbanque, fréquentant les cabarets et les pianos-bars. Car, entre le classique, le jazz, le rock, la pop et la variété, pas question de choisir ! Roberto veut faire de la musique à sa manière. Il veut amuser et s’amuser. Surfant sur la vague populaire de l’humour en musique (style « le Quatuor », qui fait un carton), il est bien vite déniché par le monde du show-biz qui le propulse sur les grandes scènes parisiennes.

Mamma mia ! Tout de cuir noir moulé, pantalon et queue-de-pie, le bellisimo surgit, bien décidé à nous prouver qu’on ne doit pas que les pâtes, mais aussi le rock aux Italiens ! Le cheveu de jais lustré, l’œil velours, le sourire enjôleur et l’accent frémissant, il enfourche son tabouret comme un pur-sang. Et attaque, prestissimo sauce rock, une 5e Symphonie « beethod’olbiavenne » ébouriffante. Ah, se dit-on, ça va décoiffer ! Avec le doigté d’un vrai barman, le fantaisiste secoue son piano-shaker sur un rythme endiablé, voulant nous offrir un de ses cocktails frappés et éclectiques dont il a le secret. Liste impressionnante et non exhaustive des ingrédients mélangés à toute petite dose : Chopin, Bach, Beethoven, Bizet, Schubert, Elvis Presley, Jerry Lee Lewis, Joe Cocker, Queen, Mickael Jackson, Serge Lama, Johnny Halliday, Jean Ferrat (ça s’imposait), Jacques Brel, Nana Mouskouri…

Mais le tout est hélas copieusement arrosé d’un humour pas très drôle, sketches, facéties et imitations en tout genre tombant trop souvent à plat. Certes, on sourit. On pousse même la chansonnette avec le maître, plutôt intimidé par son bel organe de ténor, de castrat et de crooner. On s’énerve aussi devant la misère de sa propre culture musicale ! Bref, on joue le jeu, mettant un point d’honneur à ne pas snober ce spectacle populaire. Mais, on finit par admettre que ce cocktail Piano on the rock n’est guère enivrant. Le mélange humour et musique a dû mal tourner. Et, comme feu l’illusionniste et musicien Garcimore, Roberto rate son tour de magie sous nos yeux dépités : « Y’a un truc » qui cloche. Les jeux de mots, sûrement, dont on se serait bien passé. Heureusement, restent les jeux de mains.

Alors, quand le maestro se décide enfin à revêtir son véritable habit de lumière, nous confiant : « La musique est mon premier amour », on respire ! Au programme et en intégral (ouf!) : Music, la plus belle chanson de John Miles, et le fameux Concerto no 1 pour piano et orchestre de Tchaïkovsky. Hélas ! Les notes sublimes sont bâillonnées par une bande-son si cruelle qu’elle torturerait même les oreilles d’un sourd. Si bien qu’on se sent soudain très triste pour ce musicien aux doigts d’or, dont le numéro n’est décidément pas à la hauteur du talent. Mais, Roberto nous l’avait plusieurs fois roucoulé : « Ce spectacle est en rodage… ». Gageons qu’il saura rectifier le tir avec brio ! 

Sylvie Beurtheret


Piano on the rock, de Roberto D’Olbia

Théâtre des Variétés • 7, boulevard Montmartre • 75002 Paris

Réservations : 01 42 33 09 92

Du 23 mars au 30 juin 2010, les mardi et mercredi à 20 h 30

42 € | 36 € | 21 € | 16 €

Photo : © D.R.

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