« Pompon Voltaire », d’Yvan Varco, Studio Hébertot à Paris

Pompon Voltaire © Patrick Courtois

Pensées (trop ?) haut perchées

Par Isabelle Jouve
Les Trois Coups

Cette pièce amusante, librement adaptée du « Discours sur le bonheur » d’Émilie du Châtelet, est quelquefois sibylline, ce qui peut empêcher de l’apprécier sans retenue.

Yvan Varco, comédien, auteur et metteur en scène, a beaucoup écrit et joué pour le théâtre et la télévision. En 1990, il a été récompensé par un molière pour son adaptation de Stepping Out (Tempo) de Richard Harris. Dans Pompon Voltaire, représenté cet été dans le Off d’Avignon, nous assistons « aux rapports quotidiens » et aux escarmouches verbales entre Voltaire et sa maîtresse Émilie du Châtelet, femme de lettres et scientifique du siècle des Lumières.

Ainsi, le propos d’Yvan Varco a été d’imaginer les relations entre ces deux grands esprits français et « de les faire revivre tels qu’ils s’étaient aimés, affrontés, déchirés, admirés et adorés, pendant toutes ces années ». Le spectateur va donc suivre leurs ébats, leurs querelles, leurs fous rires, leur tendresse mutuelle.

Nous sommes au château de Cirey, demeure d’Émilie. Mme du Châtelet est à sa table de travail. Elle écrit. Arrive Voltaire. La conversation qui s’engage tourne vite à la dissension quand cette dernière, exceptionnelle par sa modernité et son fort tempérament, donne son point de vue sur la question philosophique du bonheur personnel. Ses réflexions semblent fondées sur son vécu. Elle considère que nous sommes tous responsables de notre propre bonheur. Par exemple, pour être heureux, elle préconise d’observer des critères spécifiques tels que « s’être défait des préjugés, être vertueux, se bien porter, avoir des goûts et des passions et être susceptible d’illusions ».

Jusque-là, c’est compréhensible. Ce ne sera pas toujours le cas lors des grandes envolées métaphysiques d’Émilie, dont la pensée s’appuie principalement sur des postulats abscons. Cela peut se comprendre lorsque l’on sait que son œuvre n’était pas destinée à être publiée (elle le sera de manière posthume).

Le spectacle est divertissant

Dans sa note d’intention, Anne Bourgeois, la metteuse en scène, nous explique : « L’admiration mutuelle que se portaient ces deux stars se mua en relation amoureuse, terrain de jeu idéal pour Yvan Varco qui transforme en joute verbale […] les pensées haut perchées des duellistes […] ». Et c’est précisément ces « pensées haut perchées » qui m’ont empêchée d’être totalement à l’écoute de l’histoire, de me laisser porter jusqu’au bout, d’être entièrement captive. Pourtant, le spectacle est divertissant. La mise en scène pertinente et rythmée. Le décor, un mélange de meubles contemporains et d’objets anciens, adapté aux situations. J’ai bien aimé le paravent recouvert de formules mathématiques et philosophiques. Cet élément scénographique simple est judicieux.

De leur côté, les comédiens sont indéniablement talentueux. Yvan Varco est un Voltaire convaincant et drôle. Il a une belle présence et une voix modulable à loisir. Anne Deleuze est une Émilie énergique et pleine d’éloquence. Elle vit parfaitement son personnage (qui revendique le droit d’étudier, de raisonner, de s’habiller en homme) sans en faire trop. Elle évite de tomber dans le piège de la démesure. Toutefois, il n’est pas évident, voire compliqué, de retenir jusqu’au bout toute l’attention du public lorsqu’une partie des propos d’Émilie repose sur des maximes un peu opaques ou alambiquées. J’avoue que j’ai parfois décroché. Heureusement, les quelques réflexions plus prosaïques et terre à terre de Voltaire (sur sa faim de loup, par exemple) marquent une pause et permettent de se replonger dans l’histoire. 

Isabelle Jouve


Pompon Voltaire, d’Yvan Varco

Mise en scène : Anne Bourgeois

Avec : Anne Deleuze, Yvan Varco

Scénographie : Sophie Jacob

Costumes : Corinne Pagé

Lumières : Laurent Béal

Son : Jacques Cassard

Photo : © Patrick Courtois

Studio Hébertot • 78 bis, boulevard des Batignolles • 75017 Paris

Réservations : 01 42 93 13 04

Site du théâtre : www.studiohebertot.com

Métro : Villiers ou Rome

Du 2 septembre au 13 novembre 2016, du mardi au samedi à 21 heures, le dimanche à 15 heures

Durée : 1 h 15

21 € | 16 €| 10 €

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