« Rabbit Hole–univers parallèles », de David Lindsay-Abaire, les Célestins à Lyon

« Rabbit Hole-univers parallèles » © Simon Gosselin

Élégant sitcom pour parents dévastés

Par Michel Dieuaide
Les Trois Coups

Disons-le d’emblée : Julie Gayet, qui fait ici son retour sur les planches après 20 ans d’absence et quelques éclairages voyeuristes sur sa vie privée, tient son pari. Son rôle dans « Rabbit Hole–univers parallèles », spectacle créé aux Célestins, convainc.

Touchante et paradoxalement drôle à l’occasion, l’actrice incarne une mère aimante dont le fils de quatre ans a été tué dans un accident de voiture (l’automobile était conduite par un adolescent). Pour traiter un tel sujet, censé représenter l’acmé du tragique, Marc Lesage et Claudia Stavisky ont choisi le texte d’un auteur étatsunien, David Lindsay-Abaire (lauréat du prestigieux prix Pulitzer de la meilleure œuvre théâtrale, en 2007, pour cette pièce).

L’écriture se tient à distance de tout pathos. Les mots provoquent plus souvent le rire que les larmes, n’hésitant pas quelquefois à manifester un humour noir révélateur de l’inconscient des personnages. Par moments, c’est assez bien ficelé mais souvent, la pièce ne dépasse pas la platitude de dialogues prévisibles. Certes, aborder la question « comment faire son deuil suite à la mort d’un enfant ? » est une entreprise risquée. Mais le résultat ne devrait pas ressembler à un blog énumérant les situations à vivre et les solutions à imaginer, pour échapper au désespoir et commencer à se reconstruire. Or, Rabbit Hole-univers parallèles donne la sensation de ressembler à un « copier-coller » des recommandations données par de nombreux sites internet pour aider les parents à faire preuve de résilience. Utile sans doute mais pas vraiment théâtral. Trop proche des sitcoms d’une série télévisée.

Élégance scénique

Comme souvent, Claudia Stavisky, habituée à traiter des univers de la grande ou de la moyenne bourgeoisie, utilise avec maîtrise les ressources de la scénographie et de la vidéo, pour donner de l’épaisseur à un contenu textuel aux limites évidentes. Avec la complicité du scénographe Alexandre de Dardel et du vidéaste Asa Mader, elle joue successivement de l’enfermement des parents endeuillés dans l’architecture rigide de leur intérieur, des transparences révélant la présence fantomatique de l’enfant disparu. Dans la chambre où rien n’a bougé depuis la mort de ce dernier, les cloisons s’effondrent, quand les parents décident de vendre sa maison – premier pas vers un ailleurs meilleur. Ce dispositif, quoiqu’un peu surdimensionné par rapport au drame intime vécu par les personnages, fonctionne impeccablement sur le plan technique, au détriment, peut-être, d’une approche plus sensible. On comprend la volonté de la metteuse en scène de se tenir à distance de tout sentimentalisme, mais il règne fréquemment sur le plateau une atmosphère froide et raffinée.

« Rabbit Hole-univers parallèles » © Simon Gosselin
« Rabbit Hole-univers parallèles » © Simon Gosselin

Rare intensité

La mort d’un enfant, surtout au cinéma, a été magistralement traitée par Claude Chabrol (Que la bête meure) ou Nanni Moretti (La chambre du fils). Rabbit Hole-univers parallèles de Lindsay-Abaire n’atteint pas au théâtre la puissance dramatique de ces œuvres. Pendant une heure quarante-cinq de spectacle, on doit seulement à Patrick Catalifo et Julie Gayet deux scènes d’une émotion intense : celle où le père s’effondre de désespoir en découvrant qu’elle a, sans le vouloir, effacé les dernières vidéos de leur fils, et celle où elle accepte, enfin vaincue et sincère, de se réfugier dans les bras de son compagnon, quand semble naître la possibilité de dépasser leur chagrin. À l’aune de leur talent indiscutable, ce sont des instants bien trop brefs que le texte et la mise en scène leur ont accordé.

Michel Dieuaide


Rabbit Hole-univers parallèles, de David Lindsay-Abaire

Texte français : Marc Lesage

Mise en scène : Claudia Stavisky

Avec : Julie Gayet (Becky), Patrick Catalifo (Howard), Lolita Chammah (Izzy), Nanou Garcia (Nat), Renan Prévot (Jason)

Avec la participation de l’enfant Jules Tardieu

Avec la participation du chien Jumbo

Durée : 1 h 45

Photo : © Simon Gosselin

La pièce de David Lindsay-Abaire est représentée par l’agence Drama-Suzanne Sarquier, en accord avec l’agence WME à New York

Célestins Théâtre de Lyon • 4, rue Charles Dullin • 69002 Lyon

Du 13 septembre au 8 octobre 2017, tous les jours à 20 heures, le dimanche à 16 heures, relâches les lundis et le dimanche 17 septembre De 10 € à 38 €

Réservations : 04 72 77 40 00

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