« Sherlock Holmes et le Chien des Baskerville », d’après l’œuvre d’Arthur Conan Doyle, Théâtre de la Renaissance à Oullins

« Sherlock Holmes et le Chien des Baskerville » © Philippe Hanula

Holmes chez Guignol

Par Trina Mounier
Les Trois Coups

Le Kronope, spécialisé dans le théâtre de masques, adapte pour le plateau l’œuvre célèbre de Conan Doyle, « le Chien des Baskerville ». Avec un succès contrasté.

A priori, raconter une histoire policière aux limites du fantastique avec détective, chien démoniaque et monstrueux, lande ventée et envahie de brouillard, atmosphère de terreur, jeune paysanne (peut-être) violée et sombre désir de vengeance, nombreux rebondissements, se prête plutôt bien à une telle adaptation. Cinéastes et metteurs en scène divers ne s’en sont d’ailleurs pas privés.

L’utilisation du masque, quant à elle, paraît tout à fait adaptée à des types de personnages – le vieil aristocrate, l’enquêteur quelque peu allumé, son fidèle ami Watson, la jeune paysanne, le monstre sorti tout droit de l’enfer.

Résumons cette intrigue au départ quelque peu complexe du fait d’une énigme policière doublée de fantastique : le Dr Mortimer va trouver le célèbre détective, son ami, parce que la mort d’un de ses patients lui semble suspecte. Rien que de bien naturel pourtant : ce dernier a succombé au cours d’une promenade nocturne à une crise cardiaque. Mais, justement, quelques éléments apportent une coloration inquiétante : une légende selon laquelle un chien de cauchemar chercherait à se venger de la famille des Baskerville, le retour du Canada bien à propos de son neveu, Sir Henry, etc.

Bref, tout cela est déjà bien embrouillé au départ, et c’est même la loi du genre puisqu’un bon détective doit trouver du fil à retordre dans ses enquêtes pour devenir un héros… Or, Étienne Simon qui a écrit l’adaptation, et Guy Simon, qui signe cette mise en scène, loin de resserrer ce scénario autour de l’essentiel (quel qu’il soit), choisissent d’introduire une nouvelle composante : Sherlock Holmes serait atteint de folie, et donc régulièrement poursuivi par une équipe d’infirmiers partis à sa recherche pour le ramener manu militari à l’asile. Autrement dit, nous voilà avec une histoire compliquée où la vérité n’est pas près de nous apparaître : un chien de légende à l’existence plus qu’improbable, un détective sujet à des crises de démence, dont on peut légitimement mettre en doute les assertions. Le mystère est complet. C’est là le principal reproche que l’on peut faire à cette adaptation qui a tendance à partir dans tous les sens et à y perdre en lisibilité. Le masque, en figeant les traits des acteurs, empêche toute autre information de parvenir jusqu’à nous.

Pour le jeu, il tient à la fois du théâtre de tréteaux, de la commedia dell’arte et de Guignol : tout est surjoué, les personnages sont réduits à des caricatures burlesques, et l’on peine à reconnaître le roman policier originel. Quant aux gestes, ils sont comme il se doit stéréotypés.

Trop de pistes pour mener quelque part

Ce spectacle n’est pourtant pas dénué de qualités : il déborde d’énergie et d’humour ; les comédiens, très engagés, font preuve d’une notable plasticité corporelle, ils savent se faire tout petits, disparaître, se plier en quatre, faire des pas de géant, jouer les automates… Mais la plus grande réussite tient à la mise en scène, à la scénographie et aux lumières. Tout cela concourt parfaitement à produire une atmosphère de foire qui n’est pas sans évoquer Elephant Man, une ambiance crépusculaire propice à l’apparition du suspens. L’idée d’une toile de fond en noir et blanc recréant les décors de l’époque sur laquelle se plaque un portique où se poursuivent principalement habitants et gardiens de l’hôpital psychiatrique est très efficace. De même, ce plan incliné troué de trappes où se déroule l’action principale, elle en couleurs, est esthétiquement et techniquement très réussi, même si ce dédoublement des univers ne permet pas d’y voir plus clair dans cette ténébreuse affaire.

Au total, donc, un spectacle qui gagnerait à être épuré encore et encore pour qu’on en distingue mieux les indéniables qualités. 

Trina Mounier


Sherlock Holmes et le Chien des Baskerville, d’après l’œuvre d’Arthur Conan Doyle

http://www.kronope.com/

Mise en scène : Guy Simon

Adaptation : Étienne Simon

Avec : Loïc Beauché, Anouck Couvrat, Pascal Joumier, Anaïs Richetta, Jérôme Simon

Décor : Jacques Brossier

Univers sonore : Étienne Simon

Images et vidéos : Lucile Nabonnand

Masques : Martine Baudry, Lucile Molinier

Lumières : Sébastien Combes

Photo : © Philippe Hanula

Coproduction : Théâtre de la Renaissance à Oullins

Création soutenue par le conseil régional Paca, le conseil départemental de Vaucluse, la ville d’Avignon

Théâtre de la Renaissance • 7, rue Orsel • 69600 Oullins

www.theatrelarenaissance.com

04 72 39 74 91

Du 25 au 27 novembre 2016 à 20 heures

Durée : 1 h 45

De 5 € à 24 €

À partir de 13 ans

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