Sans une seule fausse note
Par Esther Mano
Les Trois Coups
Écrit en 1966, « Shopping and Fucking » est la pièce qui propulse Mark Ravenhill au rang des auteurs contemporains de théâtre incontournables. Yves Charreton et son équipe la porte avec brio sur la scène des Ateliers. Violence, tendresse, émotion et cruauté se mêlent sans jamais flirter avec la vulgarité. Les comédiens nous offrent un jeu sans limite, d’une grande pureté.
Mark achète Lulu et Robbie. Mark consomme de la drogue. Mark se fait soigner. Lulu et Robbie ne peuvent survivre. Ils vont vendre de la drogue, vendre du téléphone rose. Et puis il y a Gary qui vend son corps. Mark qui achète des relations sexuelles pour éviter l’attachement. Brian qui réclame l’argent, Gary qui achète la mise en scène de sa mort…
Vendre, acheter, acheter, vendre, l’histoire n’est qu’un support. En fait, « tout s’achète et tout se vend » et dans Shopping and Fucking la marchandise est sexe, corps, âme. L’univers est consommation, sexe, désarroi, misère économique.
Dans un décor épuré et une lumière forte, sur un rythme énergique, les comédiens nous emmènent dans un monde où les travers de notre société sont exacerbés jusqu’à la nausée. La prouesse est dans le fait que notre voyage peut se faire avec tendresse. Les personnages sont émouvants par leur fragilité, les comédiens leur donnent corps avec générosité, sans les juger. L’exigence de leur jeu est troublante. J’ai aimé leur abandon sans limite. Nous sommes là, spectateurs, voyeurs, d’un monde dont nous faisons partie. Nous rions de ce que nous sommes chaque jour. À une échelle différente, certes, mais nous sommes nous aussi les acteurs de cette société surconsommatrice, où le sex-toy envahit nos magazines, où la chirurgie esthétique propose de développer le point G pour un orgasme assuré, où on nous vend le bien-être en pilule et l’anorexie comme critère de beauté et de maîtrise du corps, où l’humain est oublié au profit de son enveloppe corporelle et financière.
Avec tout cela, on rit durant le spectacle. On s’émeut de ces moments d’amour et de tendresse. Et si parfois l’action est crue, jamais elle n’est vulgaire. Je suis sortie la rage au cœur avec l’envie de faire partager ce moment. Je suis sortie sans avoir vu une seule fausse note. ¶
Esther Mano
Shopping and Fucking, de Mark Ravenhill
Traduction : Agathe Teyssier et Dominique Deschamps
Mise en scène : Simon Delétang
Avec : Mathieu Besnier, François Godart, Valérie Marinese, Thomas Poulard, François Rabette, Julien Louisgrand
Scénographie : Daniel Fayet
Lumières : Thomas Chalazon
Son : Nicolas Lespagnol‑Rizzi avec les voix de Pierre Bellemare et Simon Delétang
Costumes : Odrée Chaminade, Gwenn Tillenon, avec l’aide de Natacha Costechareire
Régie générale : Julien Louisgrand
Régie son : Pierre Xucla
Technique : Christophe Sauvet
Stagiaire costumes : Célia Nikanoroff
Construction du décor : les Ateliers du Vidourle, Anne de Crécy et Gérard Rongier
Photo : © David Anémian
Remerciements : Pierre Bellemare, Sylvestre Mecier, Théâtre du Point-du‑Jour, Cie des Lumas
Diffusion : Sébastien Le Potvin
Théâtre Les Ateliers • 5, rue du Petit-David • Lyon
04 78 37 46 30 | télécopie : 04 72 41 93 02
Du 16 au 26 octobre 2007 à 19 h 30 ou 21 heures
Réservations au 04 78 37 46 30 ou à l’accueil du Théâtre Les Ateliers
20 € | 18 € | 14 € | 10 €