Viva la diva foldingua !
Par Élisabeth Hennebert
Les Trois Coups
Un peu sorcière, un peu givrée, la pétulante Anne Baquet nous mitonne un antidote contre le poison de l’ennui musical, avec son dernier récital, « Soprano en liberté ».
Il y a les dévots pour qui l’art lyrique est sacré, avec un « s » comme sinistre. Et puis il y a d’heureuses exceptions : Anne Baquet nous prouve qu’on peut être un croyant et un pratiquant du chant académique exemplaire, tout en ayant la Joie pour seul dogme. « Récital inclassable pour fins gourmets » est le sous‑titre de sa performance, qui convoque tous nos organes sensoriels à la fête. En effet, la religion se transforme ici en ripaille.
Avec une vingtaine de chansons sélectionnées pour leur drôlerie ou leur charge émotive, dans une playlist éclectique allant de Moustaki à Marie‑Paule Belle, et de Gounod à François Morel, l’heure passe comme une poignée de minutes. L’ouïe, bien sûr, est le plus gâté des cinq sens du spectateur, avec un cocktail quasi orgasmique de jeux verbaux, mélodiques et rythmiques.
Les cinq sens à la fête
Mais la vue, le toucher et le goût aussi sont excités, mis en appétit, réjouis, par cette composition apparemment très simple, qui réunit pourtant plusieurs arts sur un tout petit plateau. Palme d’or au chapeau perruque spectaculaire de la diva, couvre-chef proche du feu d’artifice ! Celui-ci nous rappelle qu’il n’y a pas de beau ramage sans plumage. Dès la première minute, il nous suggère que cette chanteuse-là est complètement toquée.
Depuis l’Air de la bêtise de Jacques Brel, qui reprend tous les codes sonores de l’opéra pour s’en moquer, on a souvent donné dans le genre parodique pour adapter le chant classique au format du café-théâtre. Les résultats sont inégaux, souvent liés à l’école plus ou moins sérieuse de l’interprète. Mais le parcours musical d’Anne Baquet est solide. Elle a passé cinq ans à Saint-Pétersbourg et chacun sait qu’en matière d’enseignement musical, les Russes sont tout sauf des rigolos. De plus, elle sait aussi s’entourer de bons professionnels issus d’autres disciplines, comme Anne-Marie Gros, chorégraphe, qui a inventé ici une mise en scène aussi dansante que chantante.
Bref, Soprano en liberté est un régal. Sans nul doute, il réconcilie avec l’art lyrique toutes les oreilles fâchées par quelque expérience traumatique de « castafiorisme » imposé. ¶
Élisabeth Hennebert
Soprano en liberté, de et avec Anne Baquet
Mise en scène : Anne-Marie Gros
Pianiste (en alternance) : Claude Collet, Christophe Henry, Grégoire Baumberger
Durée : 1 h 15
Photo : © Michel Lys
Le Lucernaire • 53, rue Notre-Dame‑des‑Champs • 75006 Paris
Jusqu’au 27 août 2017, le mardi à 21 heures (jusqu’au 4 juillet) et du mercredi au samedi à 21 heures, le dimanche à 19 heures
De 11 € à 26 €
Réservations : 01 45 44 57 34
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