L’effet papillon
Par Dominique Dessein
Les Trois Coups
Dans le cadre du festival Montpellier Danse, la scène du Théâtre de l’Agora accueille trois spectacles de Trisha Brown qui ont marqué l’histoire de la danse contemporaine.
Trisha Brown tire sa révérence. Sous l’intitulé « Proscenium Works 1979-2011 », la Trisha Brown Dance Company inaugure une tournée de trois ans au cours de laquelle plusieurs pièces chorégraphiques sont présentées sur scène pour la dernière fois. Le festival Montpellier Danse, à l’occasion de sa 33e édition, permet à ses spectateurs de découvrir ou de redécouvrir trois œuvres phares de la célèbre chorégraphe américaine.
Figure majeure de la danse postmoderne, Trisha Brown a d’abord commencé sa carrière artistique en rejetant les conventions scéniques. Ses interrogations et ses recherches concernent les enjeux de la représentation. Ainsi, ses créations sont jouées dans des lieux a priori peu adaptés : toits, rues, places… À partir des années 1980, elle déploie son énergie en lien avec des musiciens ou des plasticiens.
Astral Convertible
Il s’agit de la troisième collaboration de Trisha Brown avec le plasticien Robert Rauschenberg. Sur scène, des tours en aluminium contiennent le son et la lumière nécessaires à la production. Ces tours sont équipées de capteurs sensibles aux mouvements des danseurs, qui réagissent donc à leur évolution dans l’espace et créent des sonorités en résonance avec celle‑ci. Les changements de sons et d’effets lumière fabriquent ainsi un univers sonore très particulier, très contemporain, un peu froid mais aussi un peu mystérieux. La partition musicale, composée par John Cage, est déclenchée et redistribuée par chaque passage des danseurs.
Or la chorégraphie de cette première œuvre s’appuie beaucoup sur les effets d’écho et de renvoi entre les artistes. D’une virtuosité fascinante, les danseurs jouent à la fois du décalage entre leurs mouvements et de la reprise de certains thèmes corporels. Association, dissociation : ils nous donnent à voir le spectacle de leur propre corps dans ce qu’il a de plus mécanique. En outre, cette impression est renforcée par les costumes à l’aspect métallique. Loin de mettre en valeur le corps des artistes, ceux‑ci participent du caractère futuriste de la pièce. Le rythme des mouvements repose sur un échange dynamique et puissant entre les danseurs, cinq filles et quatre garçons qui mettent en scène les relations humaines dans ce qu’elles ont de plus abstrait et de plus véridique. Métaphore de l’existence humaine, Astral Convertible offre l’expérience d’une danse contemporaine faite de liens et de récurrences.
If You Couldn’t See Me
Solo délicat et intelligent, cette pièce nous emporte dans la tentative de danser en dehors des codes de la danse. Dos au public, Leah Morrison se déhanche, se déplace de côté, ondoie. Novatrice, poétique, cette danse se fait aussi sensuelle et délicate.
I’m Going to Toss My Arms – If You Catch Them They’re Yours
La dernière pièce de cette trilogie se présente à son tour comme une ode à la sensualité et à l’humanisme. Sur scène, des ventilateurs étincelants, dans les tons noir, cuivre ou or. Quand ils se mettent à souffler, les danseurs entrent, habillés avec des vêtements blancs, qui s’envoleront au fur et à mesure de la pièce pour découvrir des corps dénudés en maillots de bain. Une scénographie plutôt gaie, donc, et en tout cas moins froide que les précédentes. Trisha Brown en profite pour s’intéresser à la sculpture, à la calligraphie et aux corps noués. Les partenariats passifs ou actifs scandent la pièce autour de l’idée de rupture. Les corps se quittent pour mieux se rejoindre. La conséquence ? La création d’une nouvelle complexité rythmique : harmonie et plaisir. ¶
Dominique Dessein
Astral Convertible (1989)
If You Couldn’t See Me (1989)
I’m Going to Toss My Arms – If You Catch Them They’re Yours (2011)
Trisha Brown Company
Site : www.trishabrowncompany.org
Chorégraphie : Trisha Brown
Scénographie : Robert Rauschenberg, Burt Barr
Musique : John Cage, Alvin Curran, Toss and Find
Avec : Neal Beasley, Tara Lorenzen, Diane Madden, Megan Madorin, Leah Morrison, Jalie Scott, Stuart Shugg, Nicholas Strafaccia, Samuel Wentz
Lumières : Ken Tabachnick, John Torres
Photo pour « Astral Convertible » © Lois Greenfield
Festival Montpellier Danse • Agora, Cité internationale de la danse • boulevard Louis‑Blanc • Montpellier
Réservations : 0 800 600 740
Site du théâtre : www.montpellierdanse.fr
Jeudi 27 juin 2013 à 22 heures
Durée : 1 h 30
21 € | 24 € | 30 €