Hommage convenu au « patron »
Par Bénédicte Fantin
Les Trois Coups
Francis Perrin nous fait revivre les quinze dernières années de la vie de Molière dans un monologue écrit et mis en scène par ses soins. On assiste davantage à une belle entreprise didactique qu’à un grand moment de théâtre.
Francis Perrin a fêté, cet été, ses cinquante ans de carrière. Fidèle au répertoire de Molière tout au long de son parcours théâtral, le comédien entend célébrer sa fascination pour le maître. « Molière malgré moi » respire l’empathie pour celui qui n’a cessé de souffrir calomnies, déceptions et trahisons. Au-delà du créateur de génie, Francis Perrin a voulu dépeindre l’homme blessé par les intimidations constantes : accusations d’inceste, saccage de son théâtre, interdictions répétées de ses pièces par les autorités religieuses, etc.
En plus des détracteurs, Francis Perrin s’attache à faire revivre la troupe, les amours, et les amis de Molière, de même que sa relation ambivalente avec le Roi. Le comédien n’« incarne » pas, à proprement parler, toute cette galerie de personnages. Il parle presque toujours d’eux à la troisième personne. C’est pourquoi l’exercice de style relève davantage du cours d’histoire que de la performance théâtrale. Francis Perrin interprète cependant certains morceaux de bravoure de l’œuvre du dramaturge. On décèle alors sa tendresse particulière pour les personnages des valets Scapin et Sganarelle.
Un rythme qui s’essouffle malgré la passion
La mise en scène est sobre : peu de jeux de lumières, quelques notes de Lully ou Marc-Antoine Charpentier en arrière-fond sonore. Un paravent, quelques costumes d’époque, une table, une écritoire et un fauteuil habillent le plateau. Le comédien en culotte orangée enfile ses différents costumes au gré des épisodes contés de la vie de Jean-Baptiste Poquelin. L’absence d’effets tend à focaliser l’attention du public sur l’érudition du texte. Malgré la richesse des informations historiques, l’essoufflement du rythme, et par moments du comédien lui-même, se fait rapidement sentir et fragilise l’entreprise de reconstitution. Un regard décalé sur le récit biographique aurait peut-être permis d’éviter l’écueil de la leçon et de dresser davantage de parallèles entre le microcosme théâtral de l’époque et celui d’aujourd’hui. Pour preuve, les quelques intermèdes qui vont dans ce sens ravivent immédiatement l’attention du public.
Cela dit, on a plaisir, tout de même, à découvrir l’homme qui se cache derrière le mythe. Telle est la principale force de la pièce : Francis Perrin parvient à conférer une grande humanité à notre illustre génie du théâtre français. ¶
Bénédicte Fantin
Molière malgré moi, de et avec Francis Perrin
Mise en scène : Francis Perrin
Lumières : Jacques Rouveyrollis
Costumes : Pascale Bordet
Son : Michel Winogradoff
Durée : 1 h 30
Photo : © Bernard Richebé
Théâtre de la Gaîté Montparnasse • 26 rue de la Gaîté • 75014 Paris
Jusqu’au 2 septembre 2017, du mardi au samedi à 19 heures
De 10 € à 32 €
Réservations : 01 43 22 16 18
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