Ça cartonne chez les petits
Par Céline Doukhan
Les Trois Coups
Des monstres sympathiques et colorés sortent d’un mur de cartons et se dandinent sur le plateau. Les enfants adorent.
Voilà un spectacle bien conçu pour les (tout-) petits : sans paroles, plein de couleurs, avec un côté bricolé assez attachant. Au départ, un mur de cartons d’emballage. Et puis, petit à petit, des trous circulaires qui apparaissent au son de petits « plop » quand autant de disques de carton sont éjectés du mur : il y a une vie derrière ces cartons ! De drôles de tuyaux, ou de choses en peluche, en dépassent bientôt. Ensuite, un carton se met carrément à bouger, avant de laisser place à des créatures bizarres. Certaines ont deux pattes et reniflent avec curiosité leur environnement ; une autre, toute rouge, évoque un gros insecte genre mille-pattes. Tous paradent et se dandinent joyeusement.
La chorégraphe Colette Sadler utilise astucieusement des éléments familiers pour mieux susciter chez les jeunes spectateurs une sensation d’étrangeté. Le décor ? Un empilement de cartons. Les costumes ? Des anoraks, joggings et autres chaussures détournés. Et pourtant, rien de tout cela ne joue pour ainsi dire le rôle auquel il est d’habitude cantonné. Le carton prend vie, les anoraks forment une sorte de carapace vivante. Bien sûr, chaque monstre conserve clairement une part humaine (sous le costume, on devine toujours aisément le danseur). Néanmoins, mine de rien, la chorégraphe joue sur la différence ténue entre la franche cocasserie de certaines de ses créatures, et le côté vaguement inquiétant de tel autre monstre approximativement patatoïde et velu par-dessus le marché. Parfois aussi, l’ordre des choses est littéralement inversé : les danseurs évoluent normalement, mais leur costume donne l’impression qu’ils marchent sur les mains ; ou bien un danseur se retrouve carrément dépourvu de buste, et marche à quatre pattes, toutes chaussées de talons aiguilles. Enfin, si l’ensemble semble bricolé, il faut saluer le soin apporté aux éclairages (rouge du pseudo-mille-pattes, projecteurs dissimulés dans les cartons) et encore plus à la musique, une cascade de sons électroniques signée Brendan Dougherty.
We Are the Monsters ne manque pas de bonnes idées, donc, mais pour les adultes les ficelles sont trop grosses pour nous faire ressentir pleinement, à nous aussi, cette étrangeté qui reste du coup assez embryonnaire. En revanche, les enfants ont l’air captivés et, souvent, on les entend, surtout au début, demander « qu’est‑ce que c’est ? ». Une initiation en douceur aux mystères du spectacle vivant… Il y a d’ailleurs un contraste saisissant entre le côté malgré tout assez solennel de la salle de spectacles, ses 400 places en gradins, son obscurité totale, et la réactivité on ne peut plus spontanée du jeune public. Pas sûr que même la meilleure des pièces de boulevard déclenche, dès les dix premières secondes, autant d’éclats de rire… ¶
Céline Doukhan
We Are the Monsters, de Colette Sadler
Conception et chorégraphie : Colette Sadler
Avec : Naama Iytel, Maxwell McCarthy, Assaf Hochman, Alice Hayward
Costumes et lumière : Philine Rinnert
Musique : Brendan Dougherty
Photos : © Kalle Kuikkaniemi
L’Espal • 60‑62, rue de l’Esterel • 72058 Le Mans cedex 2
Réservations : 02 43 50 21 50
Le 25 janvier 2017 à 19 heures, le 28 janvier à 16 heures
Durée : 30 minutes
23 € | 14 € | 11 € | 9 € | 8 €