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« Camille Claudel 1864-1943 », de Christine Farré, Ciné 13 Théâtre à Paris

« Camille Claudel 1864-1943 » © Chantal Depagne-Palazon

Une belle réussite

Par Laurent Schteiner
Les Trois Coups

Camille Claudel est sans conteste une artiste hors du commun. Elle a souvent frappé l’imagination de nos contemporains (films, expositions ou livres). Christine Farré a choisi de nous représenter ce sculpteur sur la scène d’un théâtre à travers le cheminement d’une correspondance qui se nourrit des écrits de Claudel, de Camille ou encore des critiques de l’époque (Asselin et Morhardt). L’originalité de cette œuvre est le fruit d’un travail méticuleux de la metteuse en scène qui a épluché toutes ces lettres afin de représenter la vie douloureuse de Camille Claudel. En montrant « la sculpture intérieure » de l’artiste, Christine Farré y a mis toute son énergie afin de nous étourdir. Une performance que je salue tant pour cette belle mise en scène que pour le jeu impeccable des comédiens.

La scénographie est composée de deux groupes d’éléments. À gauche de la scène, une table et deux chaises sont éclairées par une chandelle. À droite, se tiennent le lit de Camille et son nécessaire à sculpter. On imagine son logement. La répartition de cet espace est importante, car les personnages, notamment les critiques, s’attableront et discuteront de leurs liens avec Camille. On la verra vivre, aimer et travailler dans cet appartement. Plus tard, alors que la folie s’emparera d’elle, il suffira de recouvrir la table et les chaises de draps, et de mettre à nu son lit. Camille est internée. Elle s’assoit et, de dos, elle parle de son enfer. Cette simplicité dans la scénographie est une part essentielle de cette mise en scène bien élaborée.

Christine Farré a réussi son pari de transcrire cette correspondance au théâtre en captivant un auditoire par une succession d’écrits qui jalonnent la vie de Camille Claudel. Elle a su rendre vivant ce spectacle en faisant intervenir Asselin ou Mirbeau, assis tantôt parmi le public tantôt attablés, ou Paul Claudel entrant par une porte dérobée. Ces lettres lues ou dites nous plongent davantage au cœur de la vie de Camille. Certains de ces écrits ne sont pas déclamés mais interprétés. Hypnotisés par cette vie qui se déroule, les spectateurs ne perdent pas une miette de la pièce. Lorsque les critiques se taisent, alors Camille vit ou revit, exaltant sa part de sensualité avec Rodin, sa part de génie ou de folie dans la création de ses œuvres. Ces tranches de vie s’achèvent, et Paul (ou Mirbeau) reprend la parole. Ce balai ininterrompu de clairs-obscurs a rendu cette correspondance attrayante. J’ai regretté cependant le parti pris par Christine Farré de faire déclamer certaines correspondances, figeant ainsi le propos de la pièce. Mais la richesse de la mise en scène a permis d’atténuer ce petit désagrément.

Camille Claudel se livre sous nos yeux. Elle rit, car elle aime Rodin. Elle tempête, elle crie sa colère et sa rage auprès de ceux qui ne la comprennent pas et pour qui un génie ne peut pas être du genre féminin. Elle vit recluse et elle déraisonne. Elle se lave et se couvre en même temps de glaise. Elle finit par détruire ses propres œuvres. Ultime pied de nez envers un destin qui n’a pas voulu d’elle. Internée dans un asile d’aliénés en 1913, elle devient l’ombre d’elle-même avant de succomber en 1943.

L’interprétation étonnante d’Ivana Coppola m’a personnellement séduit par l’intensité qu’elle a su donner à son personnage. Ce jeu subtil a donné à Camille toute la beauté d’âme que réclamait son génie torturé. Le jeu des autres comédiens est impeccable et sert avec justesse le propos de l’œuvre. Il est des vies célèbres dont le destin nous marque de façon inexplicable. Celle de Camille Claudel en fait partie. Son existence continue à nous fasciner. Le thème de l’artiste maudit illustré dans cette pièce nous renvoie directement à notre psyché. Une belle réussite ! 

Laurent Schteiner


Camille Claudel 1864-1943, de Christine Farré

D’après la correspondance de Camille Claudel, les textes de Paul Claudel, Auguste Rodin, Mathias Morhardt, Octave Mirbeau et Henri Asselin

Adaptation et mise en scène : Christine Farré

Avec : Ivana Coppola (Camille Claudel), Enrico Di Giovanni (Auguste Rodin), Pierre Carrive (Octave Mirbeau), Bernard Montini (Henri Asselin) et Pierre Remund (Paul Claudel)

Création lumière : Jean-Luc Chanonat

Création son : Christophe Chouet

Photo : © Chantal Depagne-Palazon

Cine 13 Théâtre • 1, avenue Junot • 75018 Paris

Réservations : 01 42 54 15 12

Du 23 avril au 24 mai 2008 à 19 heures, du mercredi au samedi ; dimanche à 17 h 30

Durée : 1 h 30

22 € | 13 €

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