Le Sirque : c’est dans ses cordes !
Par Laura Plas
Les Trois Coups
Une nouvelle édition de la Route du Sirque bat son plein jusqu’au 24 août : des brunchs spectacles, de la magie, des activités proposées aux spectateurs et, bien entendu, des spectacles. Focus sur trois propositions très différentes qui toutes articulent cirque et musique.
Côté cordes vocales et expérimentales, tout d’abord, avec Dru. Cette forme courte met en scène dans le plus grand dépouillement deux trapézistes chanteuses dont tout l’art semble décliner sur la piste les façons de ne pas faire de trapèze ! Primée en 2017 par un prix d’écriture, cette création déjoue, par conséquent, toutes les attentes du spectateur. Pas la peine, par exemple, d’attendre les numéros à couper le souffle, ni les tutus à paillettes.
Au contraire, Anna Le Bozec et Samantha Lopez jouent des mécaniques pour s’imposer l’une face à l’autre. C’est pourquoi d’ailleurs, elles font songer à un duo burlesque. Ce, d’autant que la dramaturgie joue sur le contretemps, l’attente, jusqu’à risquer l’impatience du spectateur. Qu’on se le dise, si quelques enfants étouffent un rire, le spectacle interprété a capella dans un profond silence laisse entendre aussi les sacs qui tombent, les enfants qui piaffent, s’ennuient, pètent… Dru est un spectacle cohérent, tenu, mais destiné aux amateurs d’expérimentations circassiennes.
Cordes sensibles
Avec Ô let me weep, deux anciens de la Compagnie Rasposo (dont on avait adoré La DévORée), Colline Caen et Serge Lazar présentent une sorte d’ode à l’amour en plein air. Imaginez-vous au sommet d’une colline où le regard embrasse le village de Nexon, où les senteurs de la forêt vous parviennent. Imaginez-vous assis au Jardin des sens pour découvrir un charmant opus. Si le titre du spectacle évoque un air célèbre de Purcell où la reine Didon, éplorée à cause du départ d’Enée (son amant), chante sa douleur, le spectacle apparaît comme un hymne à la vie.
Pendant près d’une heure, Colline Caen et Serge Lazar vont, en effet, se livrer à une parade amoureuse… les yeux bandés ! C’est sans doute que l’amour est dépeint ainsi : aveugle et cruel dans sa joyeuse innocence. Petit Eros mutin, la circassienne demande sans cesse à son partenaire de la rattraper, de la soutenir jusqu’à l’épuisement. Il faut se lancer encore et encore, risquer la chute peut-être, demander à l’autre d’être là, en dépit de tout. Généreux, complices et joueurs, Colline Caen et Serge Lazar reforment parfois, dans leurs aériennes étreintes, l’androgyne mythique. Quand ils se séparent, ce n’est que pour mieux se retrouver, se tenter, se faire confiance. Et comme leurs exploits sont accompagnés en beauté par Hannah Al-Kharusy au violoncelle, on assiste à un très gracieux moment de cirque.
« Avec une guitare sous les pieds, moi, j’ai peur de rien »
Les cinq artistes du P’tit Cirk, quant à eux, conjuguent pour notre plus grand bonheur musique et acrobatie virtuoses. Voici un fabuleux spectacle pour les petits et les grands. Le P’tit Cirk y concilie inventivité et tradition circassienne, exploits en tout genre et poésie, humour et tendresse. Le Dodo est un bel oiseau que l’homme fit disparaître au XVIIe siècle, mais les cinq drôles d’oiseaux du P’tit Cirk exaltent la vie par leur énergie. Si sur la piste, ils prennent des risques à couper le souffle, s’ils jouent la rivalité, la générosité du groupe prévaut malgré tout, avec la capacité à faire corps et feu de tout bois… ou plutôt de toute guitare.
Non seulement Alice Barraud, Pablo Escobar, Basile Forest, Louison Lelarge, Charly Sanchez forment un quintette à cordes qui alternent des morceaux vifs et des interludes doux avec talents, mais de leurs instruments, ils font des agrès, des partenaires de jeu. Comme cette spectatrice éberluée, on en arrive ainsi à se demander : « Qu’est-ce qu’ils vont nous faire encore ? » On n’éventera évidemment pas toutes ces trouvailles, mais créations d’objets, et numéros insensés sont au rendez-vous.
Il y a quelques années, Hirissin évoquait la transmission. Sur scène, Pablo Escobar et Louison Lelarge, représentaient la relève. Ils laissaient présager de beaux lendemains. Pari tenu, donc, car ils sont encore une fois époustouflants, comme leurs partenaires : le fellinien et désopilant Charly Sanchez, Basile Forrest, le colosse aux doigtés virtuoses et délicats, la femme guitare Alice Barraud, qui déjoue par sa force et sa facétie l’imagerie de la femme-violon. Si l’entraide est bien l’autre loi de la jungle, comme l’affirme Pablo Servigné, pas d’extinction en vue, donc, mais une belle utopie rieuse et collective. ¶
Laura Plas
Dru, d’Anna Le Bozec et Samantha Lopez
Mise en scène : Anna Le Bozec et Samantha Lopez
Aide à la mise en scène, regard extérieur : Benjamin de Mateïs, Sylvain Cousin
Avec : Hanna de Vletter, Samantha Lopez
Durée : 45 minutes
À partir de 10 ans
Le 23 août à 14 h 30, les 18 et 24 août à 15 heures, le 21 août à 15 h 30 et le 20 août à 17 h 30
8 €
Ôletmeweep, de CollineCaen et SergeLazar
Mise en scène : Colline Caen et Serge Lazar
Avec : Hannah Al-Kharusy, Colline Caen et Serge Lazar
Durée : 50 minutes
À partir de 7 ans
Le 16 août à 18 h 30, les 17 et 18 août 2019 à 18 heures
8 €
Les Dodos, du P’tit Cirk
Mise en scène collective par la compagnie
Avec : Alice Barraud, Pablo Escobar, Basile Forest, Louison Lelarge, Charly Sanchez
Durée : 1 h 30
À partir de 6 ans
14 €
Gymnase, Jardin des Sens et chapiteau du P’tit Cirk • Orangerie du Château • 87800 Nexon
Dans le cadre de la Route du Sirque du 14 au 24 août 2019
Réservations : 05 55 00 98 36 ou billetterie@sirquenexon.com
À découvrir sur Les Trois Coups :
☛La déVORée, de la compagnie Rasposo, à Auch, par Léna Martinelli
☛ Pan, de James Matthew Barry, par Olivier Pansieri