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« Embrase-moi », de Kaori Ito et Théo Touvet, Maison des arts de Créteil

Embrase-moi-Kaori-Ito-Théo-Touvet

Dans la peau

Par Léna Martinelli
Les Trois Coups

Rien de bien original que d’aller voir un spectacle sur l’amour le jour de la Saint-Valentin ! Pourtant, on s’est laissé tenter par le duo formé par Kaori Ito et Théo Touvet, lesquels témoignent de leur rencontre charnelle. Une magnifique mise à nu.

Dans un cercle de petite taille, deux corps puissamment musclés occupent le centre. C’est le départ d’une belle histoire. Le couple, à la scène comme dans la vie, va se défier et s’enlacer, lutter et se caresser. À fleur de peau. Diantre, cela promet !

Après la séduction, le face-à-face, inéluctable, évoque la difficulté de vivre à deux. Dos à dos, le duel s’empare alors des mots pour faire encore plus mal. Hors du cercle, comme au bord de la rupture, la dispute s’épuise vite. Après les promesses vaines, les mots d’amour composent un corpus enflammé. Le pouvoir – ou plutôt la puissance – de l’amour débouche sur la fusion. C’est sûr, ces deux-là ont l’autre dans la peau.

Tout contre

Ces corps ne viennent pas simplement nous faire la démonstration de leur amour. Kaori et Théo nous disent quelque chose par la force de l’art. Suite à leur rencontre, ils ont souhaité « rendre hommage à toutes celles et ceux qu’ils ont aimés et qui les ont “préparés” à d’autres amours ».

« Embrase-moi », de Kaori Ito et Théo Touvet © Gabriel Wong
« Embrase-moi », de Kaori Ito et Théo Touvet © Gabriel Wong

On peut se demander pourquoi, en guise de préambule, nous assistons à des échanges informels sur la vie sexuelle des interprètes. D’abord séparés en deux groupes dans des espaces différents, les spectateurs sont les confidents du vécu amoureux et sexuel de chacun des deux interprètes : « En vous parlant sans retenue de nos histoires sentimentales à travers nos premières expériences amoureuses, nous cherchons à nous dévoiler le plus possible pour établir avec vous un contact authentique et partager sincèrement une tranche de vie », expliquent-ils.

Acceptons d’emprunter des voies de traverse ! De l’un à l’autre, cet homme et cette femme parcourent donc une route jalonnée de rencontres et d’enrichissements, avec pour trait d’union le désir, le respect, l’admiration et une multitude de sentiments amoureux. Mais certains spectateurs s’impatientent…

D’abord, on est quelque peu déstabilisé, c’est vrai. On vient voir un spectacle et on vous propose une performance. Bon… O.K. On en veut plein les mirettes et on vous saoûle de blabla. Pffff ! On s’attend à une déclaration d’Amour et on vous parle de polyamour. Pourquoi pas ? On est alors prêt pour le grand chambardement. Sauf que, une fois les deux groupes rejoints dans la salle de spectacle, on assiste à une relation de couple, somme toute assez classique, à ceci près que les intéressés livrent sans fausse pudeur leur « anatomie amoureuse », si vous voyez ce que je veux dire… Et là, certains, plus du tout impatients, s’accrochent à leur siège.

Au cœur du propos

Embrase-moi fait pourtant partie des spectacles qui ne vous quittent pas du jour au lendemain. Il vous habite. C’est ce qu’on appelle les spectacles à effets prolongés. Et après la décantation, le propos s’éclaire. Vous en avez eu plein la vue, certes, mais pas pour vous aveugler ! Finalement, cette démarche donne une autre perspective à cette union sacrée qu’il nous est donnée de voir, dans un second temps. Par contrastes. Dans cette sorte de célébration, il y a bien plusieurs chemins qui relient Kaori à Théo. Le pus fort, c’est que l’expérience émotionnelle gagne en intensité, avec le recul (si l’on peut dire).

« Embrase-moi », de Kaori Ito et Théo Touvet © Gabriel Wong
« Embrase-moi », de Kaori Ito et Théo Touvet © Gabriel Wong

De leurs bouches, de leurs mains, puis de toute l’étendue de leurs corps, ils inventent leur chorégraphie, délicate et attentionnée autant que brutale, tout en portés et équilibres. C’est comme s’ils faisaient l’amour sous nos yeux… sans rien de tout ça, évidemment. C’est touchant, car malgré l’énergie déployée et la force herculéenne des interprètes, il en émane une certaine fragilité. Les sentiments suintent par tous les pores. N’est-ce pas du travail que de s’aimer encore un peu plus chaque jour ? C’est en tout cas leur « boulot », maintenant, à ce couple.

Bulle d’amour, cocon douillet, cercle de feu : le dispositif et la proximité des spectateurs renforcent le côté dramatique. Kaori et Théo jouent magnifiquement avec cette figure très simple, exploitant toute la symbolique qui lui est rattachée : le multiple et le plein, l’unité et la perfection. Enfin, la roue tourne, au propre et au figuré, puisque de cette union est née, il y a peu, un enfant. Un enfant de l’amour. Le cercle comme infini, on vous a dit. 

Léna Martinelli


Embrase-moi, de Kaori Ito et Théo Touvet

Site de la compagnie ☛

Texte, mise en scène, chorégraphie et interprétation : Kaori Ito et Théo Touvet

Assistant : Gabriel Wong

Artiste associée à la Maison des arts de Créteil depuis juin 2016. La compagnie reçoit le soutien de la Fondation BNP Paribas pour l’ensemble de ses projets depuis sa création en 2015.

Photo © Gabriel Wong

Maison des arts de Créteil • Place Salvador Allende • 94000 Créteil

En savoir plus ☛

Le 14 février 2018 à 20 heures

Réservations : 01 45 13 19 19

Tournée :


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☛ Danser la peinture, pour une contre-histoire dansée de l’art, de Laurent Paillier et Philippe Verrièle, par Léna Martinelli

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