Jazz à l’Étage 2013, avec Malo Mazurié et Kellylee Evans, chronique no 3, à Rennes et Saint‑Malo

Malo Mazurié Quartette © Jean-Ffrançois Picaut

La journée des premières

Par Jean‑François Picaut
Les Trois Coups

Il n’y a pas de vrai festival sans son lot d’exclusivités. Jazz à l’Étage remplit parfaitement son rôle en présentant deux premières aux festivaliers.

Le quartette de Malo Mazurié : les promesses du talent

Malo Mazurié et son quartette sont les premiers à bénéficier de la nouvelle initiative de Jazz à l’Étage en faveur des jeunes talents bretons. Ce soutien correspond à une volonté bien affirmée de Caroline Rodor, la présidente de Jazz35, et de Yann Martin, directeur artistique du festival. Malo et ses compagnons ont donc bénéficié d’une résidence de création. Ils nous en présentent l’aboutissement ce soir. Par la suite, Jazz à l’Étage mettra à leur disposition tout un ensemble d’outils indispensables pour développer leur jeune carrière.

Malo Mazurié (trompette) a choisi lui-même ses sidemen parmi ses condisciples à l’école Didier-Lockwood : Joran Cariou (piano) et Nicolas Grupp (batterie). Il a choisi son contrebassiste, Simon Désert, parmi les musiciens qu’il a régulièrement côtoyés sur les scènes jazz d’Ille-et‑Vilaine et de Bretagne. Ils sont très jeunes tous les quatre : Malo n’a que vingt et un ans.

Esprit potache

Au programme de cette création, en première partie de Kellylee Evans, six compositions de Malo Mazurié qui mettent bien en valeur les qualités de son ensemble. Air Train est surtout axé sur la vélocité. Hill Field, plus intimiste, permet à chacun d’affirmer sa sonorité et ses qualités mélodiques. Sway Cool est un duo piano-trompette qui chaloupe agréablement. On aime la pulsation sensible au piano et le phrasé de la trompette bouchée. On entre dans Let It Bix, hommage au trompettiste Bix Beiderbecke (1903-1931) par un solo de trompette à la sonorité très ronde avec des aigus éclatants. Ces qualités ne se démentent pas quand les trois autres instrumentistes entrent en piste. Ce morceau procède de l’esthétique du collage avec un travail d’adaptation à la modernité. Comme le précédent, il recueille les faveurs du public. Autre titre à l’esprit potache, Together to Get Her est une agréable ballade introduite par un solo de piano avant que chacun n’ait son moment d’expression. On a beaucoup aimé la conclusion lente, au piano, avec une légère ponctuation de la contrebasse, de même que la sonorité de la trompette dans les graves. Le dernier morceau est un hommage au 1988 Jazz Club de Rennes et à Sébastien Bétin qui a accueilli la résidence du quartette. C’est une composition rapide qui met en valeur la virtuosité de la trompette. Nous y avons beaucoup apprécié aussi la joute entre le piano et la batterie. Examen réussi donc pour le quartette et pour Malo Mazurié, qui affirme ses qualités de leader et gagne ses premiers galons de compositeur. On retrouvera les quatre complices à Saint-Malo où ils accueilleront Pierrick Pédron.

Kellylee Evans © Jean-François Picaut
Kellylee Evans © Jean-François Picaut

I Remember When par Kellylee Evans : la fraîcheur et la grâce

Dès que Kellylee Evans fait son entrée dans sa petite robe d’ingénue, bondissante sur ses pieds nus, la salle est conquise. Le programme de ce soir sera essentiellement tiré de son dernier album, I Remember When (Universal Music, 2013). Le Carré Sévigné (Cesson-Sévigné, 35) et Jazz à l’Étage ont l’insigne privilège d’accueillir le premier concert de la longue tournée internationale que Kellylee Evans entreprend avec cet album.

Dans I Remember When, Kellylee Evans se souvient des musiques qui ont accompagné son enfance. D’habitude, ce sont les musiciens de hip-hop qui prennent le jazz comme source de leurs compositions. Kellylee Evans, avec l’aide de Sébastien Vidal et d’Éric Legnini, le réalisateur artistique du projet, renverse les termes de l’échange. C’est elle qui revisite les plus grands succès du hip-hop en les soumettant aux canons du jazz couleur soul. C’est un vrai défi qu’elle relève là, avec un quartette acoustique de rêve : Raphaël Debaker (piano), Éric Lohrer (guitare), Sylvain Romano (contrebasse) et Fabrice Moreau (batterie). Pour la chanteuse, les deux obstacles majeurs à vaincre résident dans la vitesse d’exécution et dans la volonté de chanter, là où les rappeurs se contentent du parlé-chanté qui est beaucoup moins exigeant. Kellylee franchit ces deux obstacles avec aisance. Cependant, le projet de la chanteuse était de faire un album entièrement en français, originaux et traductions-adaptations mêlés. Elle a dû partiellement y renoncer, surtout à cause de la difficulté d’accès supplémentaire pour son public anglo-saxon.

Une extraordinaire générosité

Dans une première partie du concert, le public fait un sort particulier à Only You, une ballade où la voix de Kellylee Evans sait se faire caressante, comme elle sait émouvoir dans If I Was Your Woman. My Name Is est une adaptation très réussie de deux titres d’Eminem, Stan et My Name Is, sur laquelle sa façon de danser en chantant fait merveille. On apprécie énormément les arrangements du titre éponyme I Remember When. Dans un second temps, on revient pour un moment à son album précédent, Nina, avec Don’t Let Me Be Misunderstood. Elle sollicite le public pour l’accompagner sur ce titre et n’hésite pas à descendre dans la salle pour le stimuler. C’est aussi le moment qu’elle choisit pour ouvrir un espace d’expression personnelle pour ses musiciens. Éric Lohrer en profite pour placer un superbe solo de batterie. Quand c’est le tour de Fabrice Moreau à la batterie, elle danse sur ses arabesques rythmiques, et le public est aux anges. Le concert se poursuit avec Feeling Good, toujours tiré de Nina. C’est une nouvelle occasion d’échange avec le public et d’un autre solo pour Éric Lohrer. Enfin, c’est So We Dance, fabuleuse adaptation du titre de Stromaé, Alors on danse. Et, de fait, Kellylee Evans fait se lever toute la salle pour danser ! Elle avait d’abord annoncé avoir renoncé à l’interpréter en français, car elle trouvait cette chanson au-dessus de ses capacités dans notre langue. Cependant, entraînée par l’enthousiasme du public, elle n’y résiste pas et enchaîne avec aisance, ne lui déplaise, la version française derrière son adaptation en anglais. On atteint la fin du concert, et dans la salle, c’est un vrai délire. Kellylee va revenir pour un rappel inattendu, l’interprétation a cappella et en breton d’A Breizh, ma bro que certains considèrent comme l’hymne national de la Bretagne.

Ce qui frappe quand on voit Kellylee Evans en scène, c’est cette façon qu’elle a de tout donner à son public, avec une profonde modestie, mais avec une extraordinaire générosité. La jeune canadienne été lauréate de nombreux trophées dont le Juno Awards, l’équivalent canadien des Grammy Awards dans la catégorie « Jazz vocal », en 2011. I Remember When la consacre comme l’une des grandes chanteuses de ce début du xxie siècle. 

Jean‑François Picaut


I Remember When, par Kellylee Evans (un album Plus loin Music)

Malo Mazurié Quartette

Jazz à l’Étage, 4e édition, 2013

Du 13 au 17 mars 2013

À Rennes, dans diverses villes de Rennes-Métropole, à Saint-Malo

Association Jazz35

Festival Jazz à l’Étage

http://jazzaletage.com/

Les prochains concerts de Kellylee Evans :

  • 19 mars 2013, Rouen, le Rive gauche
  • 20 mars 2013, Carquefou, Théâtre de la Fleuriaye
  • 21 mars 2013, Montbrison, Jazz à Montbrison
  • 23 mars 2013, Guidel, l’Estran
  • 27 mars 2013, Paris, Café de la danse
  • 29 mars 2013, Vernouillet, salle des fêtes

Site : http://www.kellyleeevans.com/

Photos : © Jean‑François Picaut

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