Un sommet minimaliste
Par Maxime Grandgeorge
Les Trois Coups
De passage au théâtre des Gémeaux à Sceaux, le Ballet de l’Opéra de Lyon reprend une chorégraphie mythique de Lucinda Childs sur une musique de Philip Glass. Un chef d’œuvre minimaliste qui continue de nous hypnotiser 40 ans après sa création
À l’occasion de l’édition 2019 des Rendez-Vous Chorégraphiques de Sceaux, le théâtre des Gémeaux accueille le Ballet de l’Opéra de Lyon qui interprète Dance de Lucinda Childs. Résultat de la collaboration entre la chorégraphe américaine, le compositeur Philip Glass et le plasticien Sol LeWitt, cette pièce a été élevée au rang de chef-d’œuvre minimaliste. Les danseurs lyonnais nous rappellent que l’œuvre n’a rien perdu de sa modernité hypnotique.
Créé en 1979, Dance a marqué son époque par sa radicalité formelle. La chorégraphie de Lucinda Childs, caractérisée par sa relative simplicité et son caractère répétitif, est un sommet d’épure. Les 17 danseurs effectuent en effet les mêmes gestes et déplacements pendant la quasi totalité de l’œuvre. Les corps tournoient, sautent et glissent à un rythme effréné, exécutant des mouvements légers, fluides et aériens. Loin de la virtuosité du ballet classique, chaque corps devient le rouage d’une machine anonyme. Vêtus de blanc, les danseurs ne cessent d’entrer et de sortir de scène, formant ainsi une farandole de lutins lunaires qui plonge le public dans un état hypnotique.
Quand la musique et la danse ne font plus qu’un
La musique féerique de Philip Glass, tout aussi envoûtante que la chorégraphie de Lucinda Childs, vient décupler la délicieuse sensation d’hypnose. Influencée par les boucles électroniques des œuvres de Terry Riley, elles-mêmes inspirées par les ragas indiens, la partition de Glass est un sommet de minimalisme. Les instruments (orgue électronique, claviers, flûtes, piccolo, saxophone et voix) égrènent avec rapidité les notes des quelques accords répétés à l’infini. Les sons de l’orgue électronique, qui évoquent ceux des orgues de barbarie d’antan, nous embarquent dans une fête foraine psychédélique où l’on vend des pommes d’amour trempées dans une substance hallucinogène.
Le dispositif est complété par la projection du film réalisé par le plasticien Sol LeWitt. L’original, qui montre les danseurs en action depuis différents angles de vue et à différentes échelles, a été retourné à l’identique par les danseurs du Ballet de l’Opéra de Lyon. Projeté sur un écran transparent tendu à l’avant-scène, le film propose un dédoublement kaléidoscopique des corps des danseurs. L’écran est envahi par des figures fantomatiques, semblables à celles des premiers temps du cinéma, qui viennent se superposer aux corps de chair et d’os des danseurs présents sur scène. À tel point que les uns et les autres se confondent presque. Vertige garanti.
Œuvre d’art total mêlant danse, musique et vidéo, Dance est un petit bijou dont l’effet hypnotique résiste merveilleusement bien au temps. Rarement une œuvre aura su combiner si habilement mouvements, sons et images en une symbiose parfaite. Une pièce euphorisante qui retentit longtemps en nous. ¶
Maxime Grandgeorge
Dance, de Lucinda Childs, Philip Glass et Sol LeWitt
Chorégraphie : Lucinda Childs
Musique : Philip Glass
Costumes : A. Christina Giannini
Lumières : Beverly Emmons
Conception originale du film : Sol LeWitt
Avec les danseurs du Ballet de l’Opéra de Lyon
Durée : 1 heure
Photo : © Jaime Roque de La Cruz
Les Gémeaux – Scène Nationale de Sceaux • 49 avenue Georges Clemenceau • 92330 Sceaux
Du 17 au 19 mai 2019
De 19 € à 28 €
Réservations : 01 46 61 36 67