« la Cantatrice chauve », d’Eugène Ionesco, Théâtre de la Huchette à Paris

la Cantatrice chauve © Gonzague Phélip

Le rire atemporel

Par Maja Saraczyńska
Les Trois Coups

« La Cantatrice chauve » d’Ionesco dans la mise en scène de Nicolas Bataille fut jouée pour la première fois le 11 mai 1950… devant une salle vide. Aujourd’hui, la petite salle intime du Théâtre de la Huchette accueille chaque soir des dizaines de spectateurs passionnés.

La petite salle située au cœur du cinquième arrondissement de Paris se remplit immédiatement. Il s’agit d’un endroit d’une importance extrême dans l’histoire théâtrale du xxe siècle. Le temps s’y est arrêté. On y assiste à un véritable évènement historique : la Cantatrice chauve (suivie de la Leçon dans la mise en scène de Marcel Cuvelier), jouée à la Huchette dès 1957, se rejoue devant nous ce soir avec la même fraîcheur. Inscrite au Livre Guinness des records, cette mise en scène, comptant à ce jour plus de 16 100 représentations, ne cesse de garder son humour et son charme insolite.

Le théâtre d’Ionesco, classé (sans doute, trop rapidement) sous l’étiquette du « théâtre de l’absurde », nous parle des relations humaines, des possibilités ou plutôt des impossibilités de communication. Du dialogue sans destinataire. Et sans retour possible. Mrs et Mr Smith, tout en attendant Mrs et Mr Martin, se parlent avec des formules vides, avec des slogans, des proverbes ou des phrases recopiées par Ionesco des manuels d’apprentissage des langues. Des formes vidées de leur contenu. Des phrases qui ne veulent plus rien dire. Alors, interviennent la (excellente) bonne transformée en Sherlock Holmes et le pompier en quête d’un incendie.

Le théâtre « à texte » est ainsi traîné dans la boue de la dérision. De même que la « critique des clichés de langage et du comportement automatique des gens » * se dessine avec une grande force dans cette parodie du théâtre de l’époque. La simplicité de la scénographie et des costumes, ainsi que la justesse de la mise en scène entraînent facilement le public dans le délire de la pièce. Le rire fou ne nous quitte pas tout au long de la soirée. En outre, on peut admirer toujours, certains soirs, dans le rôle de Mr Smith, Nicolas Bataille en personne, et Odette Barrois, dans le rôle de la Bonne. Une merveille.

Une pièce anhistorique et atemporelle. Un phénomène unique de théâtre non éphémère et de la longévité d’un spectacle. À voir absolument pour tout amateur du théâtre moderne. 

Maja Saraczyńska

* Eugène Ionesco, Notes et contre-notes, Gallimard.


la Cantatrice chauve, d’Eugène Ionesco

Mise en scène : Nicolas Bataille

Avec : « Les Comédiens associés » en alternance : Marcelle‑Jeanne Bretonnière, Claude Darvy, Lisa Livane ou Nell Reymond (dans le rôle de Mme Smith), Anne Alexandre, Simone Mozet, Uta Taeger ou Frédérique Villedent (dans le rôle de Mme Martin), Odette Barrois, Marie Cuvelier, Catherine Day ou Nicole Huc (dans le rôle de la Bonne), Jean Allain, Denis Daniel, Roger Defossez, Jacques Legré ou Gérard Thirion (dans le rôle de M. Smith), Didier Bailly, Nicolas Bataille, Alain Lahaye ou Guy Moign (dans le rôle de M. Martin), Didier Beaudet, Jean‑Pierre Ducos, Claude Leblond ou Thierry Leclerc (dans le rôle du Pompier)

Décors : Jacques Noël

Régie : Ider Amekhchoun

Photo : © Gonzague Phélip

Théâtre de la Huchette • 23, rue de la Huchette • 75005 Paris

Métro : Saint‑Michel

Réservations : 01 43 26 38 99

http://www.theatre-huchette.com/

reservation@theatre-huchette.com

Tous les jours du lundi au samedi à 19 heures

Durée : 1 heure

19,50 € (la Cantatrice chauve et la Leçon le même soir : 30 €)

Étudiants : 14,50 € (2 pièces le même soir : 22 €), sauf samedi et jours fériés

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