Un joli mais trop futé petit poisson
Par Laura Plas
Les Trois Coups
Adapter pour la scène quelques-unes des merveilleuses, fabuleuses, tendres « Histoires comme ça » de Rudyard Kipling, quelle bonne idée ! Avec « le Petit Poisson futé comme ça », la Cie Simagine tente l’aventure. Une scénographie maligne et une conteuse engagée nous font prendre le large de l’imagination. Malheureusement, on se perd dans le flot d’un récit bien complexe. Dommage.
Kipling écrivit les Histoires comme ça pour sa petite fille de huit ans, alors très malade. Et, comme pour conjurer le sort, éloigner la mort, il y déploie des trésors d’humour et d’inventivité. Adultes ou enfants, on n’y résiste pas. On croque dans ces contes avec gourmandise. On comprend bien que Stéphan Ramirez ait voulu s’attaquer à quatre histoires à la fois. Mais gare à l’indigestion !
Les personnages des différents récits se bousculent en effet dans l’arche de la pièce. On a du mal à tous les distinguer vraiment. Par ailleurs, pour donner de la cohérence au tout, Stéphan Ramirez invente un récit cadre : une grand‑mère qui s’apprête à faire le grand voyage raconte ces histoires mêlées en une à son petit enfant qui l’assomme de pourquoi ?. Le problème est que cette aïeule parle un sabir inintelligible. C’est bien dans la manière de Kipling, mais ça ne simplifie vraiment pas les choses.
Une belle gageure pour un comédien
Ajoutons que la comédienne endosse de multiples rôles, tour à tour grande magicienne, grand‑mère, crabe rouge, petit poisson. Tantôt les animaux sont incarnés sur scène, tantôt on doit les imaginer. Tantôt, ils sont intégrés sur des couvre-chefs, tantôt manipulés au bout de canne à pêche. En outre, la comédienne est parfois relayée dans ces mêmes rôles par la musicienne qui l’accompagne. C’est une belle gageure pour un comédien, et Sandrine Briard déploie ici une force de conviction réelle, mais on risque bien, comme la grand‑mère du spectacle, d’être assailli de pourquoi ? par les enfants. D’ailleurs, ceux présents hier dans la salle ne s’en sont pas privés quand, à la fin du spectacle, ils ont été invités à s’exprimer.
À coup sûr, et on n’avait pas besoin de cet entretien final pour s’en rendre compte, le spectacle est très réfléchi. La scénographie regorge de trouvailles : un fauteuil devient récif de corail, une boussole se fait lune. On est sensible à la belle cohérence de tous ces objets patinés par le temps, ocre ou colorés, qui font un bric-à‑brac de grenier, et on salue le travail de Benjamin Moreau. Par ailleurs, on est charmé de temps à autre par les motifs poétiques, les références au littoral breton. Mais à trop charger la barque, elle finit par couler. Pourquoi avec une interprète chevronnée, le charme de la musique, en rajouter ? Pourquoi ne pas faire davantage confiance à l’histoire ? ¶
Laura Plas
le Petit Poisson futé comme ça !, de Rudyard Kipling
Cie Simagine • c/o O. Verrièle • 11, rue Perdonnet • 75010 Paris
Tél. 09 53 83 61 97
Portable 06 74 93 68 66
Écriture et mise en scène : Stéphan Ramirez
Collaboration artistique et jeu : Sandrine Briard
Création musicale et jeu : Annabel de Courson
Photos : © Daisy Reillet
Théâtre Essaïon • 6, rue Pierre‑au‑Lard • 750004 Paris
Site du théâtre : www.essaion-theatre.com
Réservations : 01 42 78 46 42
Du mercredi 12 septembre au dimanche 9 décembre 2012, les mercredi, samedi et dimanche à 14 h 30 et tous les jours pendant les vacances de la Toussaint
Relâche les 10 et 30 octobre et le 17 novembre 2012
Durée : 50 minutes
12 € | 10 €
Spectacle dès 7 ans