Comte Ory ci, Comte Ory là !
Par Olivier Pansieri
Les Trois Coups
L’Opéra de Rennes nous régale avec un festin mitonné par ses meilleurs artisans. Chœur et orchestre nous entraînent dans le tourbillon rossinien sous la baguette vitaminée de Erki Pehk. Les solistes Perrine Madoeuf, Rachel Kelly et Mathias Vidal, nous font heureusement oublier un décor bien laid.
Le comte Ory, jeune débauché, est prêt à tout pour conquérir Adèle, une comtesse minée par l’absence de son frère qu’elle croit mort. Elle n’est pas la seule à se morfondre ainsi : les hommes étant à la guerre, il n’y a plus que des femmes dans le village. Une aubaine pour notre vaurien qui prétend les soulager, déguisé en moine guérisseur. Las, voici qu’il découvre que son page Isolier soupire lui aussi pour la dame. Fin du premier acte.
Mozart sous Rossini
Acte deux : grimés en bonnes sœurs, le comte et ses compagnons de turpitudes profitent d’une nuit d’orage pour demander asile au château. Nouveaux mensonges, nouveaux périls dont la vertu triomphe, mais de justesse et après des scènes délirantes. Ainsi, un trio polisson constitué d’Adèle et de deux travestis, Ory et Isolier, rappelle-t-il celui du comte, de la comtesse et de Chérubin dans Les Noces de Figaro. Ce n’est d’ailleurs pas le seul moment où Mozart pointe sous Rossini.
Mais cet opéra doit surtout à son autre ouvrage, le Voyage à Reims (1825) – une œuvre de circonstance décidément trop bonne pour rester au placard. Les chanteurs retrouvent ainsi dans Le Comte Ory (1828) des airs de belle facture. Rachel Kelly prête sa voix ravissante au page Isolier. Mais son personnage manque de charme, du moins dans le premier acte. Peut-être était-ce le trac, ou cet uniforme de matelot, censé être un costume marin, qui le dépoétise.
Perrine Madoeuf, pétillante comtesse
Mathias Vidal, au contraire très à l’aise dans son costume de scélérat, bouffonne à plein régime. Le ténor confirme ici, après son rôle dans le Nain, ses talents de chanteur et d’acteur. Sa verve, son abattage, mais aussi sa large palette, font merveille. Il charge tout de même un peu dans les scènes de pantalonnade. Philippe Estèphe donne à Raimbaud, son âme damnée, une joie communicative, notamment dans son air sur les joies de l’ivrognerie. La belle basse de Jean-Vincent Blot anime de son mieux celui un rien longuet du fameux « veiller sans cesse ».
La reine de la soirée reste Perrine Madoeuf qui brille autant qu’elle pétille dans le rôle de la comtesse. Quel talent, quelle classe ! Des cantilènes aux grands airs, en passant par les gags, cette fine mouche enlève tout. Elle est en outre fort jolie, possède un jeu d’une rare justesse et une voix dont elle fait ce qu’elle veut. Certains airs, comme « Daignez guérir le mal terrible dont je me sens mourir », prennent, grâce à elle, une dimension touchante, d’autres une irrésistible drôlerie.
On ne saurait conclure sans un mot enthousiaste pour le chœur Mélisme(s) et l’Orchestre symphonique de Bretagne, tous deux excellents. Les directions d’Erki Pehk pour l’orchestre et de Gildas Pungier pour les chants y sont bien sûr pour quelque chose. Ils insufflent à l’œuvre un dynamisme, une énergie et une élégance de tous les instants. Le public ne s’y est pas trompé, leur faisant un triomphe. Le spectacle sera à Rouen du 20 au 26 janvier prochains, qu’on se le dise. ¶
Olivier Pansieri
Le Comte Ory, de Gioacchino Rossini
Opéra en deux actes, livret d’Eugène Scribe
Orchestre Symphonique de Bretagne
Chœur de chambre Mélisme(s)
Direction musicale : Erki Pehk
Chef de chœur : Gildas Pungier
Chef des chants : Élisa Bellanger, Joakim Lari
Mise en scène, décors, costumes et décors : Pierre-Emmanuel Rousseau
Assistant à la mise en scène : Pénélope Bergeret
Avec : Perrine Madoeuf, Mathias Vidal, Rachel Kelly, Jean-Vincent Blot, Philippe Estèphe, Anna Steiger, Héloïse Guinard, Benjamin Leblay
Durée : 1 h 40
Photo © Laurent Guizard
Opéra de Rennes • Place de la Mairie • 35000 Rennes
Samedi 29 décembre à 18 heures et lundi 31 décembre à 20 heures, mardi 1er janvier 2019 à 16 heures, jeudi 3 janvier à 20 heures et samedi 5 janvier à 18 heures
Réservations : 02 23 62 28 28
De 5 € à 52 €
Tournée à l’Opéra de Rouen, dimanche 20 janvier à 16 heures, mardi 22 et jeudi 24 janvier à 20 heures et samedi 26 janvier à 18 heures