« 399 secondes », de Fabrice Melquiot, Théâtre Ouvert à Paris

399 secondes © Brigitte Enguérand

L’insoutenable poids du temps

Par Maja Saraczyńska
Les Trois Coups

Le Théâtre Ouvert, en partenariat avec l’école du Théâtre national de Bretagne, présente actuellement le spectacle de sortie de la 6e promotion de comédiens dans la mise en scène de Stanislas Nordey, responsable pédagogique de l’école. Créé en 2009 à Rennes au festival Mettre en scène, « 399 secondes » est le fruit étrange d’une coopération étroite du metteur en scène avec le jeune dramaturge.

Dans sa dernière pièce, Fabrice Melquiot poursuit son étude de l’adolescence en esquissant une galerie de portraits paradoxaux, suspendus entre deux états, entre « l’enfance » et « l’âge d’homme », entre la vie et la mort, entre la pureté et la débauche, entre les temps anciens et l’actualité. Le principe adopté conditionne en quelque sorte la naïveté et la maladresse de l’écriture. À partir de plusieurs épisodes dispersés et de diverses histoires plus ou moins absurdes et obscures (quatre jeunes sont sur un cargo en route pour Shanghai où ils désirent mourir ; deux autres retrouvent l’amour après la mort ; une jeune fille en poignarde une autre à Berlin ; deux frères volent le Cri de Munch à Oslo et l’offrent à leur sœur muette), Melquiot rassemble tous les protagonistes à Shanghai, au moment de l’éclipse solaire d’une durée phénoménale de 399 secondes.

Le dispositif curieux consistant à projeter de nombreux héros mythologiques dans la modernité et l’actualité des évènements racontés (telle l’éclipse du Soleil du 22 juillet 2009 ou le vol des tableaux de Munch) permet à Nordey de faire participer à son projet les quatorze comédiens issus de la 6e promotion et de concevoir un spectacle étonnant, étrange, très esthétique, qui associe efficacement le récit à l’image. Il entreprend une recherche pointue sur la conception du chœur antique et signe ainsi la mise en scène d’une tragédie moderne. D’où son travail minutieux sur la mécanique des voix chorales, scandées, neutres et monotones, dont la parole propulsée est entrecoupée par des gongs et des noirs. Une sorte de lamentation ou de litanie ritualisée se met alors en place à travers les histoires racontées. Dommage seulement que ce principe, certes intéressant, ne permette pas entièrement de mettre en valeur le talent de ces jeunes interprètes prometteurs.

Tous vêtus de blanc, dans une scénographie épurée, composée de lumières et d’ampoules plus ou moins lumineuses, ils cherchent à éclairer cette pièce obscure. Des images d’adolescents d’aujourd’hui, originaires de différentes parties de l’Europe, se confondent alors avec les personnages mythologiques, comme sur des clichés photographiques parlants qui défilent lentement devant nos yeux. Quelques longueurs s’installent pourtant et, en débouchant sur l’attente – interminable, dérangeante et à peine supportable – de l’éclipse à Shanghai, nous laissent sur notre faim, avec ce sentiment d’étrangeté muette que l’on peut ressentir devant la bouche béante du Cri

Maja Saraczyńska


399 secondes, de Fabrice Melquiot

Texte publié chez L’Arche éditeur en 2009

Mise en scène : Stanislas Nordey

Assistants à la mise en scène : Garance Dor, Olivier Dupuy

Collaboratrice artistique : Claire‑Ingrid Cottanceau

Avec les comédiens issus de la 6e promotion de l’école du Théâtre national de Bretagne à Rennes : Benjamin Barou‑Crossman, David Botbol, Christelle Burger, Laurent Cazanave, Yoan Charles, Marine de Missolz, Julie Duchaussoy, Vanille Fiaux, Manuel Garcie‑Kilian, Simon Le Moullec, Julien Polet, Émilie Quinquis, Chantal Reynoso, Anne‑Sophie Sterck

Lumières : Philippe Berthomé

Photo : © Brigitte Enguérand

Théâtre Ouvert • 4, bis, cité Véron • 75018 Paris

http://www.theatre-ouvert.com/

Réservations : 01 42 55 55 50

Du 18 janvier au 6 février 2010, les lundi, mercredi, jeudi et vendredi à 20 heures, le mardi à 19 heures, le samedi à 16 heures

Durée : 2 heures

20 € | 15 € | 10 € | 8 €

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