Règlements de contes
Par Michel Dieuaide
Les Trois Coups
Une nouvelle fois associés, Julie Ménard et Maxime Mansion relèvent le défi de combattre les préjugés sexistes qui aliènent les petites filles. Ils s’adressent aux jeunes spectateurs mais pas seulement.
L’écriture de Julie Ménard, brillante comme l’éclat de nos dents et dure comme leur émail – clin d’œil au prénom de son héroïne –, pioche avec impertinence dans la littérature des contes de fées. Adamantine, jeune sauvageonne libre et heureuse, vit en marge dans une forêt. Elle apprend un jour, de la bouche d’une jeune femme presque ingénieure, qu’elle doit quitter sa clairière pour laisser la place à un projet de parc écologique. Mais voici que rôde à proximité, comme un loup mal intentionné, un homme en quête de chair fraîche. Il enlève Adamantine après l’avoir droguée et la séquestre dans sa pharmacie, avec pour projet de la transformer en femme soumise. Ce n’est qu’en cessant de dire oui à son ravisseur et grâce à la complicité d’Edith l’ingénieure qu’elle retrouvera sa liberté physique et de parole. Au fil des situations, s’ajoute le plaisir de reconnaître de malicieuses incrustations de la Princesse au petit pois, de Cendrillon ou de Barbe bleue.
Loup mâles
Ce qui suit n’est pas destiné à remettre en cause la pertinence des intentions, ni la sincérité de l’engagement de toute l’équipe, dans cette création. Mais quelques décisions dramaturgiques peuvent apparaître contradictoires. Pourquoi Adamantine, vivant en marge dans la nature, est-elle représentée de façon si hystérique ? Pourquoi la représentation de la forêt est-elle si puérile et criarde ? Ces deux choix affaiblissent quelque peu le propos féministe, réduit un temps au conflit entre le laid et le beau, la gesticulation et la maîtrise de soi. On n’ose pas penser qu’il s’agit-là d’une volonté didactique plutôt démagogique pour séduire les plus jeunes des spectateurs. On le regrette d’autant plus que Pauline Coffre dispose d’un incroyable talent de composition et que, très vite, la scénographie fait la démonstration de son inventivité et de son efficacité.
Heureusement, la plus longue partie du spectacle, celle qui développe la critique de l’aliénation du corps et du langage des petites filles trouve avec poésie et émotion son équilibre et sa force de conviction. Pauline Coffre, encore elle, parcourt en finesse le chemin qui mènera le personnage d’Amandine de la docilité à la révolte. Christian Taponard, dans le rôle du mâle tyrannique, révulse par son onctuosité et ses colères dérisoires. Il réussit même, en interprétant à peine travesti sa femme qu’il séquestre aussi, à bouleverser un auditoire majoritairement fait d’enfants, dont l’écoute intense subjugue. Enfin, Charlotte Fermand, en ingénieure solidaire et sensible, échappe à sa naïveté initiale pour affirmer ses convictions féministes sans faire la leçon.
Que soit remercié ici Maxime Mansion, le metteur en scène, pour avoir conduit, à une séquence près, un travail de direction d’actrices et d’acteur exemplaire, au service de la lutte contre les préjugés et contre les loups mâles qui dominent trop souvent encore notre société. ¶
Michel Dieuaide
Adamantine dans l’éclat du secret, de Julie Ménard
Mise en scène : Maxime Mansion
Avec : Pauline Coffre, Charlotte Fermand, Christian Taponard
Scénographie : Quentin Lugnier, Maxime Mansion, Gala Ognibene, Feliksa Petersen, Anabel Strehaiano
Costumes : Paul Andriamanana Rasoamiaramanana
Création lumières : Lucas Delachaux
Création sonore : Quentin Dumay
Assistant à la mise en scène : Bastien Guiraudou
Production : Théâtre national populaire
Théâtre national populaire • 8, Lazare-Goujon • Villeurbanne
Réservations : 04 78 03 30 30
Du 2 au 21 décembre 2019
À partir de 10 ans et tout public
De 8 € à 25 €
Durée : 1 h 05