Des Alices merveilleuses
Par Vincent Cambier
Les Trois Coups
Tout commence par un cercle de lumières multicolores. La magie théâtrale, irremplaçable, est donc en place. Et… si vous saviez le feu d’artifice qui vous attend…
Des bouts de tragi-comédie féminine vont vous être balancés en pleine gueule. Car si le théâtre de Dario Fo et Franca Rame est « un théâtre d’intervention, une interrogation indignée sur l’oppression, l’injustice, l’indifférence, et qui a pour arme le rire », cette arme tire à bout portant !
Successivement, trois femmes aux corps niés, aux neurones encagés, aux âmes décimées, vont vous raconter les déchirures de leurs vies. De vos vies, peut-être… De vos vies, sans aucun doute. Ici et maintenant.
Mais vous croulerez de rire, aussi. Connaissez-vous beaucoup de pièces où l’auteur vous apprend que le pipi phosphorescent des nains est un poison mortel pour les chats ? Où « c’est jamais le garçon qui tombe enceinte » ? Où on dit à un mec : « Camarade, à ton zob ! » ?
Alice se casse peut-être la figure en passant de l’autre côté du miroir, mais elle en profite pour régler ses comptes. Sèchement. C’est à prendre ou à laisser. C’est comme ça, dans la « farce populaire », on ne prend pas de gants !
Et Michel Bruzat, le metteur en scène, est au diapason. Il prend – et ses trois comédiennes prennent – tous les risques. Ça passe ou ça casse. Et ça passe. Toujours. Admirablement.
Les kamikazes de l’âme – Flavie Avargues, Sandrine Canou et Marie Thomas – nous offrent la substantifique moelle de l’émotion théâtrale, œuvre d’un alchimiste génial qui a fondu leur or intérieur dans un lingot de travail acharné. Mais de quel pouvoir secret et magnifique dispose donc Michel Bruzat pour obtenir de ces jeunes actrices une interprétation aussi flamboyante ?
Le public, qu’« on » prend souvent pour un con, a très vite compris : au troisième jour seulement du Festival, c’était déjà complet ! Réservez donc, impérativement ! ¶
Vincent Cambier
Alice au pays sans merveilles, de Dario Fo et Franca Rame
Mise en scène : Michel Bruzat
Théâtre du Balcon • 38, rue Guillaume-Puy • Avignon
04 90 85 00 80
Du 10 juillet au 2 août, à 14 heures (1 h 15)