« Apollo », de Bruno Meyssat, les Subsistances à Lyon

Apollo © Romain Étienne / Item

L’Odyssée d’un nouveau monde

Par Trina Mounier
Les Trois Coups

Les spectacles de Bruno Meyssat ne laissent personne indifférent. Ils ont leurs inconditionnels des deux bords. Gageons que cet « Apollo » ne déparera pas l’ensemble et soulèvera des émerveillements autant que des exaspérations.

Abscons, lent, voici les principaux reproches que lui font ses détracteurs. Esthétiquement réussi et poétique sont les qualités qu’on lui reconnaît. Le titre Apollo annonce au moins parfaitement le thème, et force est de constater que les images dont il regorge nous renvoient infailliblement à cette conquête de l’espace, ces premiers pas de l’homme sur la Lune qui nous enchantèrent il y a quelques dizaines d’années. Qui marquèrent en tout cas d’une empreinte indélébile l’imaginaire de l’auteur qui n’avait plus besoin, dès lors, d’Andersen pour rêver.

La mission Apollo dura plusieurs années. Elle connut des échecs et des drames, comme l’incendie de la première capsule habitée aux conséquences effroyables : la mort atroce de tout l’équipage. Elle vécut ses grandes expérimentations, ses essais, ses aventures humaines exaltantes pour aboutir à la découverte d’un monde nouveau, la Lune, et les premiers pas qu’y risquèrent quelques héros des temps modernes un certain 21 juillet 1967.

Pour construire son Apollo, Bruno Meyssat a fait de longues recherches préparatoires, il a visité la N.A.S.A., s’est promené dans cap Canaveral. Puis il a tenté de restituer sur le plateau le travail méticuleux, les minuscules avancées patientes, ainsi que tout le ressenti, lié évidemment à cette exploration qui l’a enthousiasmé, mais aussi à toute la fantasmagorie, toute la mythologie de l’Amérique de la fin des années 1960 : le Vietnam, Martin Luther King, Kennedy, les poings levés de Tommy Smith et John Carlos lors de la remise des médailles aux jeux Olympiques de Mexico…

Bruno Meyssat, ovni théâtral

C’est dire que l’imagerie est riche et nous renvoie à une histoire peuplée de héros, hantée de désastres, se déroulant dans des espaces inconnus, une véritable conquête, un hymne à la soif inextinguible des hommes de savoir et de découverte.

Cela tombe bien ! Bruno Meyssat aime particulièrement les mosaïques d’images, les énigmes métaphoriques. Ici, il en use et abuse encore. Et même si certaines nous semblent indéchiffrables, elles restent mobilisatrices d’émotions. Comme celle du début avec cette momie entourée d’une couverture de survie dorée qui, une fois mise debout, va évoquer une statue aveugle de la Liberté. Ou celle où deux hommes en partance pour la Lune apparaissent en transparence derrière un rideau fait vraisemblablement de la même matière, un décollage bluffant. Ou celle des premiers pas, si hésitants, si inquiets, puis d’un coup pris d’une frénésie joyeuse, les bonds devant cette légèreté nouvelle. Pendant ce temps, un cercueil recouvert du drapeau américain rappelle une histoire plus grave.

L’univers sonore, tout droit sorti d’une série de science-fiction mêlé aux airs d’opéra de Richard Wagner, aux voix de Sarah Vaughan, Johnny Cash, Mick Jagger, ainsi qu’aux témoignages des astronautes arrivant en voix off, tout cela ajoute des images aux références complexes à ce grand puzzle qu’a échafaudé Bruno Meyssat.

Certes, tout le spectacle est d’une lenteur souvent exaspérante, il peut sembler un fouillis impénétrable, et les costumes sont d’une laideur affligeante et incompréhensible. Mais le charme de quelques séquences, les moments d’émotion distillés ici et là peuvent permettre de passer l’épreuve que constituent toujours les œuvres de ce metteur en scène. 

Trina Mounier


Apollo

Conception et réalisation de Bruno Meyssat

Acteurs : Gaël Baron, Charles Chemin, Élisabeth Doll, Frédéric Leidgens, Jean‑Christophe Vermot‑Gauchy, Marie‑Laure Vrancken

Scénographie : Bruno Meyssat et Pierre‑Yves Boutrand

Lumière et régie générale : Franck Besson

Régie plateau, préparation des objets et construction : Pierre‑Yves Boutrand, Arnaud Chevalier

Univers sonore : Patrick Portella et David Moccelin

Costumes : Robin Chemin, assisté de Florence Demingeon

Drapeau en plomb des États-Unis : Anne Michaud

Assistante : Véronique Mailliard

Photo : © Romain Étienne / Item

Administration : Emmanuelle Moreau

Diffusion : Florence Bourgeon

Production : Théâtre du Shaman

Coproduction : les Subsistances-Lyon, M.C.2-Grenoble, la Comédie de Saint-Étienne-C.D.N.

Voyage préparatoire à Houston réalisé avec les précieuses collaborations de la région Rhône-Alpes / Fiacre international, l’Institut français, la ville de Lyon, la Mission culturelle universitaire française aux États-Unis, la N.A.S.A. et la Rice University

Notre gratitude particulière à David Alexander, Sylvie Christophe, Carl Allen, William Fischer, Glynn Lunney, Walt Cunningham et Fred Haise

Pour cette création, le Théâtre du Shaman a été en résidence aux Subsistances en septembre et octobre 2014

La première d’Apollo a eu lieu à la M.C.2 de Grenoble le 14 novembre 2014

Les Subsistances • 8 bis, quai Saint-Vincent • 69001 Lyon

Réservations : 04 78 39 10 02

www.les-subs.com

Dans le cadre du festival Mode d’emploi

Du 27 au 29 novembre 2014, à 19 heures, le 30 novembre à 15 heures

Durée : 1 h 25

Tournée :

  • Du 14 au 22 novembre 2014 : M.C.2 Grenoble
  • Du 24 au 26 mars 2015 : La Comédie de Saint-Étienne

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