Délit d’initié ?
Par Élise Ternat
Les Trois Coups
Malgré la baisse drastique de financement dont il fait l’objet, le laboratoire des Subsistances n’en demeure pas moins fidèle aux compagnies dont il soutient sans relâche les projets. À cet égard, le collectif du Zerep revient pour la quatrième fois avec sa dernière œuvre, « Biopigs », qui s’attaque à coup de pastiches au petit milieu de la création.
Quoi de plus réussi qu’une fin de spectacle ? Une succession de fins de spectacles ? Biopigs a le mérite de poser la question. En effet, Sophie Perez et Xavier Boussiron ont choisi de faire de ce nouveau spectacle une caricature géante ou plutôt une série d’imitations plus ou moins (surtout moins) reconnaissables de moments, personnages ou d’œuvres clés du théâtre. Le moins que l’on puisse dire est que ces deux-là n’ont rien perdu de leur goût plus qu’immodéré pour l’exagération, l’outrance, pour pousser le grotesque toujours plus loin avec au passage, le risque de retomber comme un soufflé.
Une ambiance de fin du monde
C’est à un rythme effréné que les comédiens enchaînent pêle-mêle nombre de personnages, chorégraphies, scènes méconnaissables dont la Clôture de l’amour de Pascal Rambert ou Jacques Weber dans Dom Juan, Bourvil en Sganarelle… Parmi la pléiade de figures incarnées apparaissent également Louis II de Bavière, Peggy Guggenheim ou encore Sammy Davis Junior…
Sur scène, la présence d’une tête articulée géante apparentée à celle d’un « Furby » chauve, aussi immonde que ridicule, vomissant une substance visqueuse couleur pétrole, occupe tout un pan du plateau. Des perruques, des tenues en tout genre, des paillettes, des justaucorps moulants, du faux sang… tout concourt ici à créer rapidement une ambiance de fin du monde. Le processus consistant à maculer d’immondices les planches en un temps record grave cette nouvelle pièce du sceau de la compagnie, dont la grandiloquence, l’exagération, l’outrance tiennent lieu de marques de fabrique. À cela s’ajoute le goût du gag et le remarquable talent des comédiens Stéphane Roger, Sophie Lenoir, Marlène Saldana et Er Ge Yu à enchaîner sans relâche des rôles toujours plus saugrenus et totalement grotesques.
Et pourtant, Biopigs n’est en effet pas la plus percutante des créations du Zerep, ou disons plutôt qu’après Gombrowiczshow, Deux masques et la plume ou Prélude à l’agonie, la recette semble avoir un petit goût de réchauffé. Certes, on ne peut nier le talent certain de Boussiron et Perez à démonter et interroger le milieu dans lequel ils se situent. Dommage que le mode opératoire de ce dernier spectacle soit celui d’une private joke si peu compréhensible qu’elle laisse au passage le public sur le bord du chemin. Doit-on y voir là une formidable mise en abyme d’un théâtre qui reproduit les stigmates de ce qu’il dénonce ? Ou bien les limites du système Zerep qui ne s’adresserait qu’à une poignée d’initiés ? ¶
Élise Ternat
Biopigs, de Sophie Perez et Xavier Boussiron
Avec : Sophie Lenoir, Stéphane Roger, Marlène Saldana, Er Ge Yu
Conception : Sophie Perez et Xavier Boussiron
Textes : Sophie Perez, Xavier Boussiron, Arnaud Labelle‑Rojoux
Scénographie : Sophie Perez et Xavier Boussiron
Costumes : Sophie Perez et Corine Petitpierre
Musique : Xavier Boussiron
Régie générale : Léo Garnier
Création lumière : Fabrice Combier
Régie lumière : Gildas Roudaut
Son : Félix Perdreau
Régie plateau : Camille Rosa
Réalisation décors : Les ateliers de Nanterre-Amandiers
Sculptures : Daniel Mestanza
Réalisation costumes : Corine Petitpierre et Anne Tesson
Administration : Julie Pagnier
Production : La compagnie du Zerep
Photo : © Philippe Lebruman
Les Subsistances • 8 bis, quai Saint-Vincent • 69001 Lyon
http://www.les-subs.com/evenement/biopigs/
Réservations : 04 78 39 10 02
Du 16 au 19 septembre 2015 à 20 heures
Durée : 1 h 30
14 € | 12 € | 10 €