François Gremaud, quésaco ?
Par Cédric Enjalbert
Les Trois Coups
Tout sur tout, en vrac et en bref : le metteur en scène suisse François Gremaud a conçu neuf « conférences de choses » qu’il présente en épisode à la Manufacture, et en intégralité le 17 juillet dans la cour de la Fondation Lambert, à Avignon. Curieux de tous les pays, déplacez-vous !
À une époque que les moins de trente ans ne peuvent pas connaître, quand se posait une question tordue ou lorsqu’on cherchait une information inessentielle, on ouvrait le Quid. Le Quid avait ses déclinaisons annuelles, depuis 1963. Son credo ? « Tout sur tout… et un peu plus que tout ». Et, de fait, le lecteur y trouvait surtout ce qu’il ne cherchait pas, selon la définition même de la sérendipité. Aujourd’hui que le Quid n’existe plus, que reste-t-il aux Christophe Colomb de l’information, à ces aventureux qui frayent sur les rives de l’encyclopédisme ? Wikipédia, bien sûr. Et François Gremaud. Lui aussi en dit un « peu plus que tout sur tout ».
Que nous apprend sa fiche Wikipédia, justement ? Que ce metteur en scène suisse, fondateur de la 2b Compagny, est né à Berne en 1975. Berne, connu pour la convention qui porte son nom, laquelle protège les œuvres littéraires et artistiques, est une ville de créateurs réputée pour son musée d’art contemporain : La Kunsthalle, de Berne donc. Kunsthalle signifie d’ailleurs… Ah ! mais je m’égare, là où François Gremaud aurait digressé avec art. Il a fait de son interprète, Pierre Misfud, un lien hypertexte humain, retrouvant ce plaisir des esprits d’escalier, dégringolant à toute berzingue les marches du dictionnaire, et nous embarquant dans sa chute.
Ils ont conçu ensemble neuf conférences de choses : conférences, plutôt que leçons – trop connotées –, dans lesquelles se déploie toute la légèreté de l’érudition facile. En guise de titre, miscellanées auraient tout aussi bien pu faire l’affaire. Car François Gremaud adopte un principe : le maximum d’information sur les sujets les plus divers, sans y passer une éternité. L’heure tourne. Le spectateur apprendra ainsi dans le cinquième épisode de cette saga, en moins de temps qu’il n’en faut pour le lire, par exemple et en vrac : la triple définition du mal (physique, métaphysique et moral) chez Leibniz, le parcours de vie d’un miniaturiste allemand, comment les Incas fabriquaient leurs codex, ce qu’est la nixtamalisation, un peu d’histoire avignonnaise, etc. Chaque épisode dure cinquante‑trois minutes, dont l’écoulement est marqué par une sonnerie de réveil. L’ensemble est parfois repris en intégrale (en l’occurrence, le 17 juillet 2016 dans la cour de la Fondation Lambert, à Avignon).
À l’issue de ces conférences, les idées ne sont pas nécessairement plus claires, mais elles sont plus nombreuses et plus riches. François Gremaud et Pierre Misfud, dans ces conférences à mi‑chemin du Quid et de Pierre Bellemare, parviennent à forcer la curiosité, qui finit en roue libre. Ils suscitent l’envie d’aller chercher de nouvelles réponses à des questions que nous n’aurions même pas songé poser. Dans les ingrédients heureux de cette macédoine d’idées, une citation est attribuée à Adolphe Thiers : « Un peuple instruit est un peuple ingouvernable ». Si bien qu’en regard, à bien y réfléchir, ces conférences apparaissent non seulement comme une invitation au voyage, mais aussi un appel à la sédition intellectuelle, faisant de la curiosité une émancipation. Pas peu ! ¶
Cédric Enjalbert
Conférence de choses, de François Gremaud
Interprète : Pierre Mifsud
Photos : © 2b Company
La Manufacture • 2, rue des Écoles • 84000 Avignon
Réservations : 04 90 85 12 71
Du 6 au 24 juillet 2016 à 10 h 40
Relâches les 11, 17, 18 juillet
Durée : 53 minutes
À partir de 15 ans
Tarifs : 17 € | 12 € | 6 €