Le spectacle des spectacles
par Céline Doukhan
Les Trois Coups
Fantaisie totale, virtuosité, humour : quel bonheur que ce « Contact » !
Il y a tout dans Contact : danse, musique, vidéo, chant, mime, acrobaties… Decouflé a imaginé un spectacle total en ne hiérarchisant pas les genres. Tout est permis. Une magnifique musique créée spécialement est jouée en direct par Pierre Le Bourgeois et Nosfell dont la performance vocale est également remarquable. Quant au reste des interprètes, ils passent avec une facilité déconcertante d’une discipline à l’autre, comme Julien Ferranti qui, quittant tout juste l’étreinte de son partenaire lors d’un superbe duo dansé, s’assied le plus naturellement du monde au piano pour jouer un air délicat. Ici, tout s’entremêle avec autant de fantaisie que de fluidité. Modelé par la musique, l’espace du plateau devient le lieu d’un enchantement permanent. Pas une minute ne s’écoule sans une trouvaille ou une image époustouflante, à l’instar de cette séquence merveilleuse dans laquelle deux jeunes femmes se balancent avec grâce, suspendues à d’énormes élastiques, tandis que, mus chacun par un danseur, glissent de rondelets petits nuages. Et l’on pourrait en citer des dizaines comme cela… La magie opère aussi avec ce soin apporté aux accessoires et aux costumes, de l’ample manteau rouge de Faust à ces couvre-chefs métalliques évoquant une boussole (?) et d’autres formes indescriptibles.
Donc, pas de cloisonnement dans les genres, et pas non plus de hiérarchie dans les corps. Dans cette superbe troupe, toutes les couleurs et tous les gabarits sont présents. Chaque corps a une histoire à raconter. Au premier chef celui, immense et dégingandé, de Christophe Salengro. Le comédien, qui incarne le président de Groland sur le petit écran et danse chez Decouflé depuis la fin des années 1980, traverse ce monde loufoque avec un irrésistible sens du burlesque. Beaucoup d’effet avec peu de moyens : un haussement d’épaules, un mouvement de bras, une intonation à la Droopy…
Quant à l’argument, il n’est pas si anodin que cela, même s’il ne faut pas aborder ce spectacle en pensant y suivre un véritable récit. Disons qu’il s’agit d’une compagnie mettant (ou plutôt démontant) en scène l’histoire de Faust (Salengro). Autant dire le comble du tragique, de l’implacable ! Or, un autre chef-d’œuvre utilisait, en 1951, le même point de départ : Tous en scène, comédie musicale de Vincente Minnelli. Dans ce film, un acteur has been (Fred Astaire) tentait un retour dans un Faust signé par un grand metteur en scène contemporain… Mise en scène boursouflée et totalement ratée qui sera bien vite remplacée par une production pleine de fraîcheur et de simplicité. Une pure apologie du spectacle vivant, des comédiens, de la musique, qui trouve un authentique écho dans le Contact de Decouflé.
Guêtres noires et blanches, vidéos démultipliant les danseurs évoquant les chorégraphies géométriques de Busby Berkeley dans les années 1930, mais aussi certaines séquences de Chantons sous la pluie… On pourrait voir à l’envi des clins d’œil dans ce spectacle très visuel et même cinématographique.
En définitive, l’ensemble procure une telle sensation d’émerveillement qu’on se dit que si l’on devait montrer un spectacle et un seul à quelqu’un qui n’en a jamais vu, ce serait celui-là. Comme on dit dans Tous en scène, That’s entertainment ! ¶
Céline Doukhan
Contact, de Philippe Decouflé
Mise en scène et chorégraphie : Philippe Decouflé
Musique originale et interprétation : Nosfell, Pierre Le Bourgeois
De et avec : Christophe Salengro, Alice Roland, Clémence Galliard, Éric Martin, Alexandra Naudet, Stéphane Chivot, Flavien Bernezet, Sean Patrick Mombruno, Meritxell Checa Esteban, Violette Wanty, Julien Ferranti, Ioannis Michos, Lisa Robert, Suzanne Soler
Éclairages : Patrice Besombes
Décor et scénographie : Jean Rabasse assisté de Gladys Garot Frati
Costumes : Laurence Chalou assistée de Léa Rutkowski
Équipe de création : Jean Malo, François Blaizot
Coiffuriste : Charlie Le Mindu
Accessoires : Éric Halley
Maquillage : Christophe Oliveira
Vidéo : Olivier Simola
Régie vidéo : Laurent Radanovic
Direction technique : Lahlou Benamirouche
Accessoires : Guillaume Troublé
Assistante chorégraphe : Daphné Mauger
Régie générale : Patrice Besombes
Régie lumières : Begoña Garcia Navas
Régie plateau et vols : Léon Bony
Régie plateau : Chloé Bouju
Régie son : Jean‑Pierre Spirli
Régie costumes : Jean Malo
Photo : © Laurent Philippe
Les Quinconces • 4, place des Jacobins • 72100 Le Mans
Réservations : 02 43 50 21 50
Le 16 décembre 2015 à 19 heures, les 17 et 18 décembre à 20 h 30, le 19 décembre à 18 heures
Durée : 1 h 40
23 € | 14 € | 11 € | 9 € | 8 €