Un pour tous ! Tous pour un !
Par Laura Plas
Les Trois Coups
La Cie du Berger, menée tambour battant par Olivier Mellor, propose un « Cyrano » enlevé et populaire qui met en lumière jusqu’aux plus petits rôles et exalte le travail de troupe. Une célébration du théâtre vivifiante et souvent inspirée.
Le verbe un peu trop haut, l’allure cocardière, le Cyrano de Rostand n’a pas sa place au Panthéon littéraire. De toute façon, c’est bien connu : ce qui plaît à tous ne saurait plaire à l’érudit… Mais si son champ est moins chic, il est plus vaste : c’est un héros populaire. Chacun pourrait, en effet, comme pour Molière, lui piquer ses répliques tant il les sait par cœur. Et cette dimension‑là n’est peut‑être pas pour déplaire à Olivier Mellor.
Son Cyrano, enveloppé dans un manteau d’Arlequin, n’est, de fait, pas un joli capitaine de Comédie-Française. Un tantinet brutal avec les bleus, gaillard, paillard, il est le digne héritier de Rabelais tout autant que de Gassendi. On l’admire, on l’aime, mais on comprend l’exaspération qu’éprouve De Guiche face à ses forfanteries. En définitive, il est d’autant plus touchant qu’il est imparfait.
Cyrano : un homme de théâtre
Ce que met surtout en lumière le jeu de Jean‑Jacques Rouvière, c’est que le personnage est un homme de théâtre. Dramaturge, bien sûr, il est aussi ce chef de troupe qui rameute ses Gascons, leur donnant du courage avant la bataille. Il est enfin cet homme blessé qui a besoin d’être regardé et écouté. Parfois cabotin, souvent histrion magnifique. D’ailleurs, quand il provoque Valvert, quand il conte un exploit, quand il endosse le rôle de Christian ou d’un habitant de la Lune, on fait cercle sur scène.
D’une manière plus générale, la compagnie du Berger célèbre le théâtre. D’abord, elle fait feu de tous ses artifices : jeu et musique, fumigène et chariot, entrée pétaradante à cour, et répétitions en fond de scène. Ensuite, elle en exhibe les machines. Car la scénographie se structure autour d’immenses échafaudages que l’on métamorphose ou déplace à vue. Le travail sur la lumière crée, quant à lui, un beau clair-obscur qui nous transporterait presque, comme Cyrano, dans les États et empires de la Lune. Ainsi, la gageure de cette pièce aux décors et personnages multiples semble être un aiguillon. On sent, par ailleurs, chez chacun, un véritable plaisir de croquer à belles dents dans des faux jambons ou à déclamer des alexandrins bien sonnants, bref : à jouer à fond.
On voit l’œuvre autrement
Avec une telle énergie, la troupe fait reculer les limites de la scène. Voilà que la salle, et même le Théâtre de l’Épée-de‑Bois deviennent aires de jeu. Qui peut être sûr que son voisin n’est pas un personnage ? N’aurait‑on pas croisé Christian dans un couloir ? Et dans ce cadre large, l’on voit l’œuvre autrement. On distingue en particulier des personnages auxquels on n’avait pas prêté beaucoup d’attention : ce bon Lebret, finement interprété par Rémi Pous, les musiciens qui accompagnent un soir Cyrano, la femme de Ragueneau, ou Montfleury (talentueux, n’en déplaise). Dans cette pièce à vedettes, chacun trouve sa place, et le spectateur en sort avec le sourire. Tous pour un et un pour tous ! ¶
Laura Plas
Cyrano de Bergerac, d’Edmond Rostand
Cie du Berger
Site de la compagnie : www.compagnieduberger.fr
Adaptation et mise en scène : Olivier Mellor
Avec : Nicolas Auvray, Jean‑Cristophe Binet, Marie‑Laure Boggio, Marie‑Béatrice Dardenne, François Decaveux, Karine Dedeurwaeder, Romain Dubuis, Fred Egginton, Syd Etchetto, Michel Fontaine, Mylène Guériot, Dominique Herbet, Séverin Jeanniard, Adrien Michaux, Olivier Mellor, Adrien Noble, Rémi Pous, Jean‑Jacques Rouvière, Cyril Schmidt, Stephen Szekely, Vincent Tepernowski, Greg Trovel, Denis Verbecelte
Musiciens : Romain Dubuis, Séverin Jeanniard, Adrien Noble, Cyril Schmidt
Scénographie : Noémie Boggio, Alexandrine Rollin
Lumières : Benoît André
Son : Christine Moreau
Costumes : Hélène Falé, assistée de Martine Boggio
Maquillages et coiffures : Hélène Falé
Maître d’armes : Patrice Camboni
Régie générale : Benoît André
Régie plateau : Syd Etchetto, Stéphane Hélal, Greg Trovel, Alexandrine Rollin
Photos : © Sylvain Bocquet / Tri-angles et © Mylène Guériot
Théâtre de l’Épée-de-Bois • la Cartoucherie, route du Champ-de‑Manœuvre • 75012 Paris
Site du théâtre : www.epeedebois.com
Réservations : 01 48 08 39 74
Du 6 novembre au 2 décembre 2012, du mardi au samedi à 20 h 30 et le dimanche à 18 heures
Durée : 3 h 30
18 € | 14 € | 12 € | 10 € | 7 €