La bonne conscience des salopards
ou Chacun sa merde !
Par Vincent Cambier
Les Trois Coups
Voilà du Visniec pur sucre ! Situation de départ délicieusement absurde et déstabilisante. Histoire de remettre les neurones conditionnés en place. Mais pas seulement huiler la mécanique à synapses : trop facile ! La conscience, aussi. La bonne conscience de salopard qui nous habite tous… Le boomerang de la lucidité revient toujours avec une clarté de cristal.
Un chien dans un puits, c’est inadmissible. Mais, avant d’agir – parce qu’il faut le sortir de là, n’est‑ce pas ? –, on se pose des questions. Beaucoup de questions. Après tout, ce n’est pas de notre faute si ce con de clébard…
Ce réquisitoire théâtral interroge notre bassesse, parfois aussi profonde qu’un puits sans fond. Dans ce registre, les deux personnages rivalisent d’arguments fallacieux et d’une hallucinante mauvaise foi.
Visniec, ce foutu Franco-Roumain, scrute – mieux que certains auteurs dramatiques français – les mots avec acharnement. Il traque les substantifs et la syntaxe à double fond. Il leur fait rendre gorge jusqu’à la garde. Il les oblige à vomir tout leur venin caché. Et c’est évidemment très drôle !
Encore faut-il que les acteurs mâchent et ruminent convenablement la fibre dramatique, et dégorgent sa sève avec talent. C’est le cas. David Teysseyre compose un Stan Laurel teigneux et autoritaire, un fasciste au petit pied survolté dont on se souviendra. Jean‑Marie Sirgue, lui, impose finement un Oliver Hardy bonasse et sournois. ¶
Vincent Cambier
Du pain plein les poches, de Matéï Visniec
Cie Réplique Théâtre, Cie Théâtre de la Fronde et Cie Les Inédits
En coproduction avec le Théâtre de l’Alizé et le Cabestan
Mise en scène et traduction : Virgil Tanase
Assistant à la mise en scène : Richard Navarro
Avec : David Teysseyre et Jean‑Marie Sirgue
Création lumière : François Salon
Costumes : Aude Martin
Durée : 1 h 10
Le Cabestan • 11, rue Collège‑de‑la‑Croix • Avignon
Tel. : 04 90 86 11 74
À 14 h 30