Embrasser le temps
Un personnage assis sur scène. Un paravent passe en vitesse et l’efface. Deux autres qui se tendent les bras : étreinte manquée, chacun passe son chemin. La chorégraphie d’Entre-temps est un jeu incessant fondé sur la marche, les traversées de la scène, le renouveau dans la répétition, la transformation constante. Une partition virtuose menée à perfection par les neuf danseur·euses et le pianiste sur scène.
Les dix interprètes évoluent dans un cadre visuel composite et changeant. À l’abstraction et à la monochromie de la première partie se succède, après l’entracte, une scène explosant de couleurs et de formes extravagantes, fidèles à l’excentrique propre au chorégraphe français. L’univers sonore n’est pas moins surprenant : piano et voix sur scène, morceaux enregistrés et extraits d’entretiens en voix-off, chansons du présent et du passé. Le mouvement des danseur·euses y est si étroitement lié qu’on ne peut dire si ces sons accompagnent la danse, ou l’inverse.
Du souvenir individuel au récit collectif
Dans Entre-temps, c’est la danse qui parle de la danse ! Ce spectacle sur le temps est aussi un voyage dans le passé et un hommage à l’histoire du spectacle vivant, du cinéma muet aux créations de Pina Bausch, en passant par le cabaret et le music-hall. Le spectacle se veut un grand collage mêlant emprunts et influences, corps visibles et fantômes, réminiscences et découvertes.
© Lahlou Benamirouch
Au-delà des formes iconiques recréés sur scène, c’est dans les entretiens des danseur·euses diffusés en voix off que réside l’auto-référentialité touchante du spectacle. Le spectacle donne à entendre les souvenirs intimes que gardent les interprètes de leur propre art, souvenirs qu’ils réactivent parfois sur scène à travers le geste. Mêlant des générations différentes d’artistes, Decouflé met en avant la beauté des corps dansants de tout âge : pour ne citer qu’un exemple, il est difficile de résister à l’émotion que provoque la théâtralité et l’expressivité de Dominique Boivin à plusieurs moments du spectacle.
Inverser, retourner, revivre
Par un tour du prestidigitateur de la scène qu’est Decouflé, le public se trouve à un moment du côté des coulisses. Cette inversion de la scène et de la salle est doublée par une inversion du temps. La grande montre suspendue a beau imposer sa marche inéluctable, la danse arrive au-delà de cette linéarité : elle fait marche arrière, elle brouille le temps et l’espace, elle refuse l’irréversibilité du passé, jusqu’à ce que, dans une étreinte collective, soit célébrée la puissance scénique. Entre-temps a réussi son pari : transformer la nostalgie en amour du présent.
Marie Constant
Entre-temps, Compagnie DCA
Site de la compagnie
Chorégraphie : Philippe Decouflé
De et Avec : Dominique Boivin, Meritxell Checa Esteban, Catherine Legrand, Éric Martin, Alexandra Naudet, Michèle Prélonge, Yan Raballand, Lisa Robert, Christophe Waksmann, et au piano Gwendal Giguelay, avec la participation d’un groupe de volontaires amateur·ices
Durée : 1 h 50
La Villette, Espace Chapiteaux • Quai de la Charente 75019 Paris
Du 9 au 26 octobre 2025 (sauf le 13, 16, 20 et 21), mardi, mercredi et vendredi à 20 heures, jeudi à 19 heures, samedi à 18 heures, dimanche à 16 heures
De 10 € à 35 €
Réservations : en ligne ou 01 40 03 75 75
Tournée ici :
• Du 7 au 9 janvier 2026, MC2 Grenoble (38)
• Du 15 au 17 janvier, Bonlieu, scène nationale, à Annecy (74)
• Du 29 au 31 janvier, anthéa, Antipolis Théâtre d’Antibes (06)
• Du 25 au 28 février, La Comédie de Clermont scène nationale de Clermont-Ferrand (63)
• Du 4 au 6 mars, Maison de la Culture d’Amiens (80)
• Du 25 au 29 mars, Théâtre de Caen (14)
• Du 16 au 17 avril, Théâtres de la Ville de Luxembourg
Vidéo retraçant la création ici
Photo de une : © Pierre Planchenault
