Un festival citoyen résolument métropolitain
Par Michel Dieuaide
Les Trois Coups
À un mois de la tenue, du 20 au 28 octobre 2015, de la 4e édition du festival international de théâtre Sens interdits, Patrick Penot, son directeur artistique, dresse la carte d’identité en évolution de sa manifestation.
Fidèle à ses principes fondateurs, Patrick Penot réunit une nouvelle fois ce qu’il appelle des « théâtres de nécessité » portés par des artistes engagés, soucieux de faire entendre des paroles libres ou libérées. Mémoires, identités, résistances constituent plus que jamais l’architecture d’une programmation axée sur l’essence politique du théâtre contemporain.
Sens interdits poursuit son exigence de ne pas être un festival généraliste, mais plutôt un bouquet de confrontations au service de la liberté d’expression, de la tolérance et de la démocratie.
À Lyon et sur le vaste ensemble de la métropole, Penot pense qu’il y a de quoi faire et de quoi inventer. La grande palette de lieux culturels, la diversité des approches programmatiques le conduisent à proposer à ses partenaires une offre artistique très peu présente dans la majorité des théâtres. À savoir, combler un manque, celui d’un rapport indispensable de la création dramatique avec les cultures étouffées et minoritaires, fières de leurs histoires. Il s’agit en toute fraternité d’inviter les responsables d’équipements culturels à prendre les risques de diffuser des spectacles osant « éclairer la part sombre des contenus possibles du théâtre ». Riche d’un repérage de productions européennes et au-delà (Argentine, Chili, Israël, Rwanda), le directeur artistique du festival fait le pari de mettre le pied à l’étrier d’une génération nouvelle de diffuseurs et de spectateurs.
Né dans le giron des Célestins de Lyon, dont Patrick Penot fut longtemps le codirecteur, Sens interdits s’enrichit, cette année, d’une dimension décisive avec la création de l’association Sens interdits, qui marque le désir progressif d’acquérir l’autonomie de son projet. Évolution et non-rupture, sachant que les Célestins continuent d’être le partenaire principal sur le plan organisationnel et financier. Toutefois, Patrick Penot, bien qu’associé à de multiples structures, garde la main sur les orientations artistiques. À l’affiche, en octobre prochain, 15 lieux dont 9 hors de Lyon pour 15 spectacles venus de 14 pays. L’édition 2015 verra aussi apparaître des propositions de théâtre de rue.
Pour la toute jeune association Sens interdits, volontairement réduite à une équipe restreinte qu’accompagnent de nombreux bénévoles, un défi d’importance se présente : prendre toute sa place dans le projet culturel de la métropole lyonnaise, dont la définition est encore incertaine. Convaincu que l’art précède souvent la bureaucratie, Patrick Penot perçoit la nécessité de construire un réseau avec ses partenaires pour encourager femmes et hommes politiques à s’intéresser au développement d’un festival capable, si on lui en donne les moyens, d’étendre son influence jusqu’aux limites de la nouvelle région Auvergne – Rhône-Alpes qui se profile. Passeur de frontières expérimenté et également conscient de la précarité générale des budgets accordés à la culture, Penot et son équipe travaillent inlassablement à persuader mécènes et particuliers de s’impliquer dans le soutien du festival. L’engagement à leurs côtés de 325 associations est une légitime fierté.
Au terme de son exposé, Patrick Penot, fin programmateur et rigoureux gestionnaire, évoque déjà l’édition 2017 de Sens interdits. Une question l’obsède : qui, demain, remplira les théâtres ? Attirer de nouvelles générations de spectateurs, participer à la formation de jeunes artistes, savoir transmettre, autant d’impératifs justifiant la générosité de son engagement personnel. ¶
Michel Dieuaide
Photo de Dreamspell : ©Laura Vanseviciene-Sapnas
Photo d’Acceso : © D.R.
Photo de Displaced Women : Heiko Schäfer