« Escurial », de Michel de Ghelderode, collège de La Salle à Avignon

Un bijou grinçant d’humour noir

Par Élise Ternat
Les Trois Coups

Choisir de mettre en scène une tragédie baroque, en restituer la profondeur pour en faire surgir la densité tant macabre que poétique : telle est la voie choisie par le Théâtre Mu à travers la magnifique présentation de la sombre histoire d’« Escurial », de l’auteur dramatique flamand Michel de Ghelderode.

Escurial est la fable triste et totalement immorale d’un roi assoiffé de haine et de pouvoir, de son bouffon et d’une reine qui se meurt. C’est l’histoire d’un carnaval où les rôles sont inversés, où les masques sont échangés pour une dernière farce plus drôle peut-être, plus cruelle surtout, mais qui est à n’en point douter la dernière.

On peine à reconnaître la salle de classe du collège de La Salle, transformée pour les besoins de la pièce en un décor digne d’un film de Tim Burton. La lumière lugubre et les effets de brouillard épais manifestent une atmosphère à l’odeur de mort. Le décor est celui d’un château en ruine, et, au centre de la scène, l’immense table à l’architecture anguleuse constitue un élément clef de la pièce. Couverte de poussière, d’assiettes, plats et restes de repas, elle laisse entrevoir trappes et tiroirs secrets comme autant de cachettes où tout peut arriver. Et c’est une ambiance glauque à souhait qui se dégage de l’ensemble.

La musique et les multiples sonorités choisies augmentent l’ambiance inquiétante avec des aboiements de chiens, des sons de cloche, une musique aux airs de marche funèbre, qui contribuent à créer une atmosphère totalement mortifère.

On demeure admiratif face aux personnages. Des pantins faits d’os et de squelettes d’animaux vêtus de guenilles. On découvre un roi obèse pourvu d’une couronne démesurément grande et d’un spectre en os, accompagné de Folial le bouffon, personnage fin et attachant dans un costume d’Arlequin aux coloris passés. Ces marionnettes sont manipulées à vue par deux moines, dont on peine à distinguer les visages blafards, mais dont la dextérité est impressionnante. Habileté, précision et impeccable justesse donnent vie à ces êtres pourtant déjà morts.

Une heure passée devant ce bijou grinçant d’humour noir attriste le cœur autant qu’elle ravit l’œil, faisant d’Escurial une pièce tout à fait remarquable. Unique en son genre, la présentation qui en est ici donnée allie la beauté du propos à la grandeur des images. L’art de la marionnette en ressort grandi, car, loin d’être simplement ludique et léger, il s’attaque à de grandes œuvres, donne à penser et met la manipulation au service du propos. 

Élise Ternat


Escurial, de Michel de Ghelderode

Mise en scène : Christophe Guetat

Avec : Ivan Pommet, Christophe Roche

Musique : Christophe Roche

Création lumières : Ludovic Charrasse

Décor et marionnettes : Judith Dubois

Costumes : Florence Gil

Administration-diffusion : Nolwenn Yzabel

Collège de La Salle • place Pasteur • 84000 Avignon

Réservations : 04 32 70 01 92

Du 8 au 29 juillet 2009 à 17 heures, relâche les 16, 23 juillet

Durée : 1 heure

14 € | 10 €

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